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Comme ce pêcheur légendaire
Par le chant des flots fasciné,
Qui plonge, et sous l’eau bleue et claire
Trouve un palais abandonné,

Dans les souvenances fuyantes,
Mon esprit s’enfonce, et je vois
Les vieilles demeures absentes
Et les vieux amis d’autrefois ;

Ma calme ville de province,
Les vignes aux pampres rougis,
La colline où l’église mince
S’élance entre les hauts logis…

J’y crois être encor ! La mésange
Gazouille dans les prunelliers,
Une molle odeur de vendange
Sort de la voûte des celliers ;

La nuit vient, une vitre brille.
Et sur ce cadre radieux
Un fin profil de jeune fille
Se dessine mystérieux ;

Un chant monte, plein de tendresse,
Sous les rameaux jaunis des bois ;
On dirait au loin la jeunesse
Et l’amour unissant leurs voix…

Soirs d’automne, jeunes années.
Pour vous réveiller de l’oubli.
Un oiseau, quelques fleurs fanées.
Sur un coin de toile ont suffi.


Nous formons notre gerbe d’après la diversité des couleurs, et les pièces choisies par nous montrent la nature des talens surprise comme dans un aveu involontaire, sinon l’échantillon le mieux réussi de leur habileté. S’il n’en était pas ainsi, plus d’une pièce de M. André Theuriet, le Vannier, la Veillée, auraient sollicité notre préférence. Une plume d’une rare distinction s’est chargée ici même de faire l’éloge complet de la Pernette de M. de Laprade, et ne nous a laissé que le soin de la mettre à son rang dans le mouvement poétique contemporain. L’auteur s’est transporté avec armes et bagages dans le domaine d’un genre nouveau. Sa manière n’est ni moins lyrique ni moins descriptive que par le passé. Poète lyrique, je ne m’étonne pas qu’il ait multiplié les discours, surtout dans son deuxième chant, dont les accens patriotiques ont réveillé les échos des lectures publiques. Entre le mouvement spontané de l’ode et le jet de la parole oratoire, il y a des ressemblances, surtout l’habitude de montrer la personne de l’orateur et du poète. C’est toujours M. de Laprade qui parle quand il met en scène ses