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LA
POÉSIE ET LES POÈTES
DE LA NOUVELLE GÉNÉRATION

Ce qu’on appelle poétiquement le concert des oiseaux dans les matinées du printemps est un gazouillement désordonné où il est malaisé de distinguer le cri mutin de la mésange, la voix éclatante du loriot, l’accent varié de la fauvette. Un lecteur sans préjugé ni préparation particulière doit trouver quelque chose d’analogue dans l’ensemble confus de chants que nos poètes offrent à un auditoire distrait. Un premier coup d’œil en effet jeté sur la poésie de ces trois ou quatre dernières années ne permet d’apercevoir tout d’abord que des ressemblances : c’est comme la marque du temps. Tout appartient à peu près au genre lyrique moyen, tout est détaché et en fragmens ; l’esprit d’entreprise, l’ambition, manquent. La forme ne change pas sensiblement d’un écrivain à l’autre : un peu plus, un peu moins d’habileté dans l’innovation ; la coupe des vers et le rajeunissement de la langue sont partout l’objet d’une étude sérieuse. En y regardant de plus près, cette uniformité disparaît : sous la ressemblance des procédés, il y a des tentatives diverses ; on se sert des mêmes moyens pour attirer les yeux, l’esprit n’est pas le même. La strophe, qui s’applique à toute espèce d’objets, le sonnet, qui ne rend pas les armes, le tercet dantesque, dont on fait grand usage, sont employés aux desseins les plus opposés. Les poètes paraissent s’entendre sur l’art qu’ils pratiquent, ils ne s’accordent pas sur le but de cet art même.

Plusieurs le regardent comme une parure de la société ; au-delà