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lithuaniennes, afin que dorénavant et pour tous les temps ils puissent se servir des blasons, armoiries et devises que nous avons hérités de nos pères et aïeux, et en jouir, en signe de vrai amour, comme s’ils les avaient reçus de leurs propres aïeux en légitime héritage. Qu’ils s’unissent donc à nous en amour et fraternité, et qu’ils deviennent nos égaux par la communauté du blason comme ils sont déjà nos égaux par la communauté de la foi, des droits et des privilèges. Et nous leur promettons, sous la foi de l’honneur et du serment, de ne les abandonner en aucune contrariété ni danger, mais au contraire de les assister en toute occasion, leur donner des conseils contre toute entreprise ennemie, et intercéder avec zèle et ardeur auprès de nos doux maîtres, notre auguste seigneur Ladislas, par la grâce de Dieu roi de Pologne, et notre illustrissime prince Witold, grand-duc de la Lithuanie, afin qu’ils ouvrent toujours plus largement pour nos frères de la Lithuanie la main de la libéralité, les gratifient de libertés toujours plus généreuses, et ne cessent jamais d’augmenter envers eux les grâces et bienfaits; ce que de leur côté lesdits sires des terres lithuaniennes ont promis également de faire à notre égard sous la foi de la parole et du serment... »


« Le parlement de Horodlo mit le sceau à une union des peuples comme on n’en rencontre guère de pareille dans toute l’histoire européenne, » dit M. Caro[1], et ce jugement mérite d’être recueilli; il vient d’un fils dévoué de la Germanie, d’un érudit estimable, mais qui à chaque pas trahit sa répugnance pour la grande conception de Jagello, son regret patriotique que l’Allemagne ait échoué dans sa « mission providentielle » sur les bords du Niémen et de la Wilia. Sans exemple en effet est une telle association entre deux états longtemps ennemis, acharnés dans leurs luttes séculaires, différens de race, de langue, de religion et de culture, et finissant pourtant par se joindre, par se fusionner au nom de l’Évangile, au nom de la liberté et « de cet amour qui seul fonde les empires. » Pour la première fois au monde, un grand empire était fondé sans qu’il en eût coûté un seule goutte de sang. Et qu’elle est imposante aussi la diète de Horodlo par le respect religieux qu’elle porta au droit historique, à la nationalité et à l’indépendance du pays de Gédimin ! En échange de tant de bienfaits accordés, elle n’imposa même pas à ce pays le sacrifice d’une autonomie assurément gênante, et ne lui demanda pas de renoncer à son « particularisme » en vue d’un parlement centralisateur, de cette conventio generalis qu’on se promettait seulement de réunir toutes les fois que le bien et le profit de l’empire le réclameraient. Supé-

  1. Geschichte Polen’s, t. III, p. 404.