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Associée déjà depuis vingt-sept ans aux destinées de la Pologne, sous le sceptre du fils d’Olgerd, la Lithuanie avait été, pendant toute cette période, lentement, graduellement, initiée à la société chrétienne et à la civilisation occidentale. En 1387, on s’en souvient[1], au lendemain même de la destruction du temple de Znicz à Wilno, le grand-duché recevait des mains de son prince la première charte politique, ce salubre monumentum jurium ac libertatum, qui assurait aux anciens adorateurs de Perkunos la jouissance de leurs biens, la libre disposition de leurs propriétés, la faculté de se marier, de tester et d’obtenir justice dans leurs litiges sans l’intervention du kniaz. Treize ans plus tard, alors qu’avec la mort d’Hedvige semblait disparaître le symbole vivant et gracieux des «promesses,» des « fiançailles, » contractées tacitement entre les deux peuples dans la personne de leurs deux souverains, un acte écrit et solennel vint définir une situation et préciser un droit jusque-là demeurés dans le vague. Witold était nommé grand-duc à vie dans le pays au-delà du Niémen, et dans des assemblées distinctes, tenues l’une à Wilno et l’autre à Radom (18 janvier et 11 mars 1401), la nation de Piast et la nation de Gédimin prenaient l’engagement de se prêter assistance mutuelle contre tout ennemi du dehors et de régler aussi d’un commun accord la question de succession, à la mort de Jagello ou de Witold. Tel était le caractère légal des relations entre Cracovie et Wilno jusqu’à la journée de Grunwald, et cette autonomie complète laissée au grand-duché fut un des prétextes spécieux que mettaient toujours en avant les seigneurs de Marienbourg pour en déduire leur droit d’être à la fois en paix avec Cracovie et en guerre avec Wilno, pour prétendre ne porter aucune atteinte aux droits de la « couronne » par leurs incursions dans les terres des « Sarrasins. » Enfin la « grande guerre » vint ajouter une nouvelle pierre angulaire à l’édifice ébauché lors du baptême de Ladislas II. Sarmates et « Sarrasins » avaient mêlé leur sang dans la « vallée des morts, » au pied du Tannenberg; ils avaient combattu ensemble et écrasé un ennemi séculaire, redoutable; pleins encore des ardeurs de la lutte et de l’enthousiasme du triomphe, ils se rencontraient maintenant (octobre 1413) pour la première fois dans une assemblée législative commune, — conventio generalis, parlamentum, ainsi que s’expriment les documens officiels, — et ils décidaient de plus « de tenir de pareilles conventions ou parlemens pour le bien et le profit de l’empire toutes les fois que besoin serait, de les tenir soit à Lublin, soit à Parczow ou dans tel autre lieu avec le consentement et l’autorisation du roi... »

  1. Voyez la première partie de cette étude dans la Revue du 1er juillet.