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causalité. La science positive ne conteste pas plus l’une que l’autre; elle se borne à renfermer dans ses justes limites l’application d’un principe dont il a été fait un si grand abus. Le spectacle de la nature, connue et expliquée par la science la plus sévère, nous fait voir sans cesse les deux lois concourant à l’ordre universel. Partout la loi de finalité domine et dirige les forces de toute espèce soumises à la loi de causalité. Et si, au lieu de contempler l’univers, on se contente d’observer ce qui se passe dans le petit monde de la réalité humaine, on voit fort’ bien comment elles agissent de concert. Qui donne le branle à la série de mouvemens qui constituent la vie organique? La volonté, sollicitée elle-même par la raison. On voit donc ici les deux lois en action à la fois, et comment l’une se soumet à l’autre dans le rapport du moyen à la fin. Il en est de même dans l’ordre de la vie universelle. Kant a raison d’affirmer qu’il n’y a point de cause première dans l’ordre des causes physiques, la série de ces causes étant absolument indéfinie; c’est une thèse que confirment l’expérience et la science positive; mais il a tort de voir là un argument contre l’existence d’une cause première, soit dans la série des phénomènes de la nature, soit dans la série des phénomènes de la vie humaine. Cette cause première existe dans un ordre supérieur, aussi réel, aussi accessible à l’expérience que l’autre, dans l’ordre de la finalité ; c’est la cause finale, le bien, cause à laquelle tout obéit, la nature fatalement par l’impulsion mécanique ou l’instinct, l’humanité librement par la volonté raisonnable.


III.

Que nulle spéculation ne puisse ébranler la solidité des enseignemens de la conscience, c’est un point qui nous paraît acquis à la discussion. Nous voudrions faire voir en outre comment la conscience n’est pas seulement une autorité infaillible dans son domaine, comment elle éclaire toutes les autres sciences de la lumière supérieure qui lui est propre, comment elle les élève, les dirige et les corrige dans leurs spéculations philosophiques.

Pourquoi les sciences de la nature tournent-elles au matérialisme aussitôt qu’elles veulent s’élever aux principes et aux causes? C’est que, si elles trouvent en elles-mêmes les élémens de cette philosophie, elles n’y trouvent pas l’idée maîtresse qui doit présider à leur synthèse. Le savant n’a que deux méthodes à son service, l’observation spécifique ou générale et l’expérimentation, si nécessaire à l’induction. Avec cela se fait la science proprement dite, laquelle se borne à constater les faits, à les classer et à les ramener