Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/634

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

force élémentaire soumise aux pures lois de la mécanique. Entre tous ces mouvemens, il n’y a qu’une différence de degré, laquelle a son principe dans une plus ou moins grande composition ou concentration de la force simple primitive. Il n’y a dans la nature entière que des mouvemens et des forces à telle ou telle puissance de composition ou de concentration. La chaîne entière des êtres n’est que l’échelle des degrés que parcourt la force élémentaire du minéral à l’être pensant. La psychologie ne serait ainsi que le couronnement d’un édifice scientifique aux parties homogènes dont la base est la mécanique : à celle-ci, l’étude du mouvement absolument simple; aux sciences intermédiaires, telles que la physique, la chimie et la biologie, l’étude du mouvement plus ou moins composé; à la psychologie enfin l’étude du mouvement à son maximum de composition.

Cette philosophie de la nature a un double mérite que ses plus vifs adversaires ne sauraient lui contester. D’abord elle réunit les caractères essentiels d’un véritable système, la loi d’unité et la loi de continuité. Elle est tout entière comprise dans une seule formule, l’unité absolue de l’être par la réduction au mouvement de tous les phénomènes de la vie universelle. Elle n’arrive à cette formule définitive que par une gradation continue des termes dont se compose la série cosmique tout entière. D’autre part, une pareille spéculation n’a rien qui ressemble à ce qu’on appelle métaphysique; elle ne contient aucune idée a priori, aucun mot ontologique. Il n’y est point question de l’essence ni de la substance des choses; la conception d’un substrat matériel, tel que nous le représente l’imagination, est mise de côté, ainsi que l’hypothèse invérifiable des atomes; le mot de force n’y figure que comme expression d’un fait, le mouvement sous toutes ses formes. L’observation et l’expérience pour méthode, pour base les lois des phénomènes observés ou expérimentés, pour formule d’explication le principe tout mécanique de la résultante des forces composantes, pour synthèse enfin l’unité d’être et d’action, sans exception ni solution de continuité, — voilà le système. Peut-on rien imaginer de plus simple, de plus clair, de plus expérimental qu’une telle philosophie dans ses conclusions spéculatives les plus étendues? N’est-ce pas le progrès même des sciences positives qui paraît devoir aboutir à ce résultat? Il n’est donc pas étonnant que des savans de premier ordre, comme M. Berthelot, que des penseurs intrépides, comme M. Taine, inclinent vers une explication des choses qui satisfait à ce point leur besoin de synthèse et leur goût pour les formules simples et précises? Ne semble-t-il point que la méthode chimique du premier et la méthode philosophique du second y préparent naturellement la