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relations entre le saint-siège et l’empire, Napoléon donna publiquement aux cardinaux Doria et Ruffo (Fabrice) la décoration de la Légion d’honneur. Il nomma en même temps le cardinal de Bayanne et l’évêque d’Évreux sénateurs, et les évêques de Nantes et de Trêves conseillers d’état. Les membres italiens du sacré-collège et M. Bertalozzi, qui avaient été indirectement mêlés à la négociation, reçurent chacun en présent une riche tabatière ornée d’un portrait impérial et entourée de gros brillans.

Ces actes de gracieuse courtoisie avaient pour but de révéler à tout l’entourage officiel, sans d’ailleurs en divulguer la teneur, l’importance de l’acte qui venait de s’accomplir à Fontainebleau. Ainsi que nous l’avons indiqué, l’empereur, en traitant avec le pape, s’était proposé un double but. Il avait voulu rendre sa situation extérieure un peu meilleure par un acte qui ne pouvait manquer d’être agréable à son beau-père l’empereur d’Autriche. Il avait souhaité faire cesser au dedans les embarras et les dangers que pouvait lui susciter la désaffection croissante du clergé et de ses sujets catholiques. Ce n’était donc point sans motif qu’au cœur même de l’hiver il avait fait venir Marie-Louise à Fontainebleau afin de la rendre témoin de la façon dont il traitait avec le pape. Elle avait assisté de sa personne à la dernière conférence, mais cela ne suffisait point. À peine le nouveau concordat avait-il été signé, que Napoléon s’était empressé d’écrire lui-même à l’empereur François pour lui en transmettre une copie, avec prière toutefois de ne pas rendre cette pièce publique. Il s’agissait maintenant d’avertir, sans les mettre trop au courant, les dignitaires de l’église de France, et de faire savoir dans les moindres paroisses de village, mais sans rien préciser, que les fidèles sujets de sa majesté avaient une nouvelle raison d’être plus que jamais attachés à la personne de leur empereur. C’est à quoi avait pourvu ce passage laconique des instructions adressées à M. Bigot : « Monsieur le ministre, écrivez aux évêques pour leur annoncer l’événement et les autoriser à chanter un Te Deum en actions de grâces[1]. »


D’Haussonville.
  1. Instructions dictées au ministre des cultes, 24 janvier 1813. Ces instructions ne sont pas insérées dans la Correspondance de Napoléon Ier.