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s’engageait enfin à rendre sa faveur aux cardinaux, évêques, prêtres et laïques qui avaient encouru sa disgrâce dans les circonstances. Ces dernières clauses, les unes plus avantageuses à l’église que celles qui lui avaient été présentées à Savone, les autres particulièrement favorables aux personnes qui avaient le plus chaudement embrassé sa cause, déterminèrent sans doute l’assentiment de Pie VII. On sait qu’il avait beaucoup tenu à faire constater dans le préambule du concordat que les articles dont il était composé « devaient servir de base à un arrangement définitif. » Il avait également insisté avec force pour établir dans un dernier article « qu’il s’était prêté aux dispositions ci-dessus par la considération de l’état actuel de l’église, et dans la confiance que lui avait inspirée sa majesté qu’elle accorderait sa puissante protection aux besoins si nombreux de la religion[1]. »

L’élaboration du concordat avait duré cinq jours. Ce fut dans la soirée du 25 janvier 1813 que tout fut consommé. En dépit des adoucissemens qu’à force d’instances il avait fait subir au texte primitif, Pie VII était encore horriblement troublé à l’idée de mettre son nom au bas d’un document qui changeait d’une façon si étrange la condition séculaire de l’église catholique. Les cardinaux logés au palais assistaient à cette dernière conférence. On dit que, pressé par l’empereur d’en finir, Pie VII jeta un regard éploré sur les quatre membres du sacré-collège qui formaient alors son unique conseil. Ce regard invoquait un peu d’aide, quelque appui, une parole propre à l’encourager dans sa consciencieuse résistance. S’ils avaient prononcé un mot, fait un signe, peut-être n’eût-il point passé outre. Aucun d’eux ne bougea. Devant les douloureuses perplexités de leur chef spirituel, ils demeurèrent tous silencieux. Directement consulté par un dernier coup d’œil où se peignait l’angoisse suprême du souverain pontife, le cardinal le plus rapproché de lui baissa la tête, faisant ainsi comprendre qu’il fallait se soumettre. Alors Pie VII signa[2].

Le but de l’empereur était maintenant atteint. Il semble qu’il aurait pu dès lors témoigner quelque satisfaction. Ce fut une sorte de mauvaise humeur qui l’emporta d’abord. Les ordres à donner pour l’élargissement des cardinaux di Pietro et Pacca parurent lui coûter beaucoup. « Pacca est mon ennemi, » ne cessait-il de répéter au pape, qui dut, suivant ses propres expressions, livrer une vraie bataille afin d’obtenir que ce membre du sacré-collège sortît immédiatement de la prison de Fenestrelle. L’empereur avait les

  1. Voyez les articles du concordat. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XXIV, p. 450.
  2. Œuvres complètes du cardinal Pacca, t. Ier, p. 317.