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tous dans le palais même, ainsi que le docteur Porta. Bientôt il y fut rejoint par l’archevêque de Tours, l’évêque de Trêves et celui d’Évreux. Ainsi donc, si l’on oublie M. de Chabrol, qui venait, à la grande surprise du monde parisien, d’être nommé préfet de la Seine, mais qui ne prit d’ailleurs nulle part, au moins apparente, aux nouvelles négociations, le hasard voulut, si toutefois ce fut le hasard, que le pape se trouvât en ce moment entouré des mêmes personnages qui l’avaient naguère si longtemps assiégé à Savone de leurs continuelles et vaines instances.

Il faut convenir que les instructions remises à M. Duvoisin n’étaient point de nature à faciliter beaucoup sa besogne. Chose étrange et vraiment digne de remarque, si depuis son retour à Paris l’empereur, dans ses conversations journalières avec ses familiers, n’avait encore fait entendre que des paroles sensées où perçait le juste sentiment de sa véritable situation, il s’en fallait de beaucoup que son attitude extérieure, ses actes et son langage officiels eussent paru empreints de la même sagesse. C’était parti-pris chez lui d’afficher devant le public français la plus superbe confiance, et de faire montre au dehors de nos frontières d’une inflexible persistance dans toutes les visées déjà connues de sa politique. Il se serait cru diminué aux yeux de ses sujets et de l’Europe entière, peut-être l’aurait-il été en effet, s’il avait laissé seulement soupçonner qu’on avait chance de le trouver moins impérieux et plus traitable à l’heure de la mauvaise fortune qu’aux jours de la prospérité. Résigné par nécessité aux concessions indispensables, il jugeait son honneur intéressé, tant qu’il n’aurait pas repris quelque éclatante revanche, à se renfermer dans une obstination d’apparat. Sans doute il faudrait céder quelque chose ; mais avant de céder il lui fallait commencer par battre d’abord tous ses insolens ennemis : alors il serait temps d’être modéré. Malheureusement pour Napoléon, il se méconnaissait lui-même quand il se proposait un pareil plan de conduite. Les éphémères succès qu’à force d’art et d’énergie il était encore destiné à surprendre à la fortune devaient avoir pour premier résultat d’ébranler immédiatement d’aussi raisonnables projets, et en exaltant son incorrigible ambition de mettre aussitôt fin à sa modération passagère. Les conférences entamées avec le saint-père aux premiers jours de l’année 1813 ont ouvert la série des transactions par lesquelles l’empereur a essayé, mais en vain, d’arrêter à diverses reprises la marche triomphante de ses ennemis. Peut-être le succès inattendu de la tentative de Fontainebleau et l’inconcevable ascendant repris avec tant de facilité sur Pie VII ont-ils contribué à rendre Napoléon trop confiant au moment du congrès de Prague et des pourparlers de Châtillon. À ce titre seul, il est