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« Très saint-père, je m’empresse d’envoyer un officier de ma maison près de votre sainteté pour lui exprimer la satisfaction que j’ai éprouvée de ce que m’a dit l’évêque de Nantes sur le bon état de sa santé, car j’ai été un moment très alarmé, cet été, lorsque j’ai appris qu’elle était fortement indisposée. Le nouveau séjour de votre sainteté nous mettra à même de nous voir, et j’ai fort à cœur de lui dire que, malgré tous les événemens qui ont eu lieu, j’ai toujours conservé la même amitié pour sa personne. Peut-être parviendrons-nous au but tant désiré de finir tous les différends qui divisent l’état et l’église. De mon côté, j’y suis fort disposé, et cela dépendra entièrement de votre sainteté. Toutefois je la prie de croire que les sentimens de parfaite estime et de haute considération que je lui porte sont indépendans de tout événement et de toute circonstance. Je prie Dieu, très saint-père, qu’il vous conserve longues années, pour que vous ayez la gloire de rasseoir le gouvernement de l’église, et que vous puissiez longtemps jouir et profiter de votre ouvrage[1]. »


Nul ressentiment n’était, comme on va le voir, resté au fond du cœur de Pie VII. On dirait que la méfiance lui devenait impossible dès qu’il entrait en relations directes avec le grand homme qui l’avait jadis tant charmé et pour lequel il éprouva toute sa vie une inaltérable prédilection. Il y avait d’ailleurs dans la lettre de l’empereur plus d’un passage qui était de nature à relever chez le candide pontife l’espérance, jamais entièrement abandonnée, d’être un jour appelé à mettre lui-même un terme aux maux de l’église. Pour reconnaître l’acte de courtoisie de Napoléon, Pie VII envoya le cardinal Joseph Doria le complimenter à Paris. Le cardinal Doria, ancien nonce en France, était un personnage fort âgé, sans grande capacité politique, non moins dévoué au saint-père qu’agréable à l’empereur, et fort propre à servir entre eux de premier intermédiaire. Quand l’idée d’une sérieuse négociation fut après quelques pourparlers définitivement adoptée de part et d’autre, l’empereur désigna pour traiter en son nom l’évêque de Nantes, M. Duvoisin. Il ne pouvait faire un choix plus habile. M. Duvoisin avait, au dire même de ses ennemis, autant d’expérience que d’adresse dans le maniement des affaires, et la fréquentation habituelle de la cour lui avait en outre donné, ajoute le cardinal Pacca, ces manières insinuantes et ces formes diplomatiques qui assurent ordinairement le succès des négociations. En arrivant à Fontainebleau, l’évêque de Nantes y rencontra déjà établis les quatre cardinaux Doria, Dugnami, Ruffo (Fabrice), de Bayanne et M. Bertalozzi, qui logeaient

  1. L’empereur au pape Pie VII, 29 décembre 1812. — Correspondance de Napoléon Ier, t. XXIV, p. 354.