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ne leur est pas personnelle ; mais il ne convient pas que les vicaires du chapitre, pendant une vacance par démission, soient les mêmes que ceux de l’évêque démis. Sa majesté s’est formellement expliquée à cet égard… Faites également venir ceux des chanoines en qui vous reconnaissez le plus de sagesse et de bons principes… Vous emploierez toute votre influence pour que le choix ne porte pas sur un sujet qui serait dans le cas d’être rejeté… Vous ferez en même temps sentir à ces chanoines que, si le chapitre ne remplissait pas sur-le-champ le devoir indispensable de nommer pendant la vacance qui leur est officiellement notifiée, ils se rendraient coupables, et s’exposeraient, surtout dans les circonstances actuelles, à une juste animadversion. Si contre toute apparence le chapitre, dont j’ignore les dispositions, disait qu’il ne connaît pas de sujet capable ou qui veuille accepter, ce serait un subterfuge qui indisposerait encore plus sa majesté[1]. »

Ces recommandations mêlées de menaces peu dissimulées avaient été strictement suivies quant à la lettre, mais complètement éludées, quant à l’esprit, par les chapitres de Troyes et de Tournai. Avant de quitter son siège épiscopal pour se rendre au concile de Paris, M. Hirn, prévoyant les persécutions auxquelles il pourrait être en butte, avait donné des lettres de grands-vicaires à tous les membres de son chapitre, afin qu’ils fussent, dans n’importe quelle conjoncture, en état de pourvoir aux besoins du diocèse. Il en fut de même ou à peu près à Troyes, car les chanoines trouvèrent moyen de choisir des administrateurs qui avaient préalablement reçu des pleins pouvoirs secrets de M. de Boulogne. À Gand, le chapitre avait été plus hardi. Il avait osé répondre à M. Bigot de Préameneu que, « d’après la doctrine des canonistes, ce n’était pas la démission d’un évêque, c’était l’acceptation de cette démission par le souverain pontife qui rendait un siège vacant… Si les chanoines osaient s’arroger des pouvoirs qui ne leur étaient pas encore régulièrement dévolus, cela jetterait, ajoutaient-ils, le plus grand trouble dans les consciences des fidèles. Le clergé du pays, très attaché aux principes et aux usages de l’église, ne déférerait pas aux mesures prises par les vicaires-généraux nommés en de pareilles circonstances. La désobéissance détruirait l’autorité de la nouvelle administration, et la division se mettrait indubitablement entre les pasteurs et les ouailles[2]. »

Napoléon avait aisément deviné que des chapitres aussi attachés

  1. Lettre de M. le ministre des cultes au préfet de l’Aube, 23 novembre 1811.
  2. Lettre de MM. les membres du chapitre cathédral de Gand au ministre des cultes, 27 novembre 1811.