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d’avoir recours ? Nous ne saurions le dire, nous reconnaissant tout à fait incompétent en semblable matière, et n’osant prendre sur nous d’avoir un avis sur une question délicate qui a divisé de graves et excellens esprits. Dans plus d’un diocèse, nombre d’ecclésiastiques s’étonnèrent d’entendre le ministre des cultes de cette époque invoquer les fameuses libertés gallicanes et parler de faire rentrer les évêques dans leurs droits primitifs au moment où il les voulait au contraire courber sous le joug le plus dur. « Ils trouvaient singulier d’entendre les préfets de l’empire s’élever contre le despotisme de la cour de Rome alors que cette cour était abattue, et qu’un despotisme un peu plus réel pesait sur toutes les têtes[1]. » D’ailleurs les chapitres ne furent pas toujours unanimes à choisir l’évêque nommé par le chef de l’état. Au grand mécontentement de M. Bigot, les chanoines le plus en crédit pour leur science et leur piété refusèrent parfois d’admettre la régularité de la mesure prise par leurs collègues, et quelques-uns s’obstinèrent même à méconnaître absolument la juridiction canonique de l’administrateur ainsi désigné par le chapitre. Les opposans n’étaient pas sans recruter des adhérens parmi les simples curés de campagne. À ce groupe venait se joindre dans quelques départemens celui des anti-concordatistes et des membres de la petite église. Ces dissidences créaient mille obstacles à l’administration des archevêques et des évêques non consacrés. L’opposition qu’on se hasardait à leur faire n’avait encore rien de bruyant. Au sein du clergé comme parmi les autres classes de la société, qui donc à cette époque aurait osé contrecarrer publiquement la volonté du maître ? L’agitation était locale, sourde et cachée. Dans un petit nombre de cas, elle franchit pourtant la limite des diocèses ; mais la faute en revint tout entière à l’empereur, car ce fut la suite inévitable des violences qu’il venait d’exercer contre les évêques de Troyes, de Tournai et de Gand.

Ces trois prélats, arrêtés à trois heures du matin dans leur lit le 12 juillet 1811, avaient été, on s’en souvient, conduits comme des criminels d’état à Vincennes[2]. Tous leurs papiers avaient été sai-

  1. Mémoires pour servir à l’histoire ecclésiastique, t. III, p. 550.
  2. Nous nous souvenons d’avoir entendu raconter à M. Pasquier que cette arrestation, à laquelle il fut totalement étranger, et qui eut même lieu à son insu, avait été opérée par un inspecteur-général de police, M. Veyrat. Malgré la rudesse de ses formes et en dépit des habitudes du métier, cet agent n’avait pu se défendre d’une certaine émotion lorsqu’il s’était vu charger de mettre la main sur d’aussi vénérables personnages ; cette émotion durait encore lorsqu’il vint le lendemain matin rendre naïvement compte au préfet de police étonné de l’emploi de sa nuit. Deux des prélats, les évêques de Gand et de Tournai, l’avaient frappé par la dignité de leur contenance et