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de les résoudre dans l’avenir. Pie VII les écouta toujours avec patience, sans répondre autrement qu’en renouvelant les déclarations déjà faites à Savone. Parmi tant d’interlocuteurs qui s’étaient donné la mission de le convertir aux idées de l’empereur, un seul avait le don d’émouvoir péniblement le cœur du pieux et doux pontife, c’était l’impétueux Maury. Pie VII se défendit autant qu’il put de discuter avec lui. Plusieurs fois il s’excusa de ne le point recevoir ; on assure qu’il finit même par demander comme une grâce de n’être plus obsédé par les importunités de ce membre du sacré-collège, qu’il considérait comme un déserteur de la cause de l’église, comme un ingrat et l’agent de son ennemi[1].

Il était évident qu’on ne gagnerait rien par voie de conférences sur la résolution bien arrêtée du saint-père de se renfermer, à Fontainebleau comme à Savone, dans un rôle purement passif. Cette résignation, nous le savons déjà, lui coûtait assez peu ; quant à cette profonde retraite dans laquelle il s’ensevelissait comme à plaisir, elle était conforme à ses goûts et aux habitudes de sa jeunesse, écoulée dans la solitude du cloître. Ce n’était point une privation pour lui de consacrer ses journées au jeûne et à la prière, ayant pour unique distraction les entretiens de l’archevêque d’Édesse, M. Bertalozzi, et parfois, à ses momens perdus, le soin de réparer lui-même, comme un simple moine, les petits dommages que l’usure et le temps avaient apportés à ses vêtemens pontificaux. Un tel calme, tant de simplicité, causaient plus de surprise que d’admiration à ceux dont Pie VII dérangeait ainsi tous les calculs. On trouve la trace de cette mauvaise humeur dans les mémoires laissés par le duc de Rovigo, qui n’y perd pas une occasion de mal parler du saint-père. « Il y avait, dit-il, à Fontainebleau, une bibliothèque superbe ; mais Pie VII n’y toucha jamais. Il n’ouvrait pas un livre de toute la journée[2]. » En cela, le ministre de la police impériale était mal informé, et, chose plus singulière, le cardinal Pacca est tombé dans la même erreur lorsque, pour laver Pie VII des reproches du duc de Rovigo, il s’écrie à son tour : « Comment cet homme ne savait-il pas qu’une personne pieuse n’est jamais oisive en présence d’un crucifix et d’une image de la Vierge[3] ? » La vérité est que la bibliothèque d’un palais tout rempli des souvenirs de François Ier, de Henri II et de Diane de Poitiers, de Henri IV et de Gabrielle d’Estrées, ne contenait probablement pas le genre d’ouvrages dont le saint-père avait alors

  1. Mémoires pour servir à l’Histoire ecclésiastique, t. III, p. 586.
  2. Mémoires du duc de Rovigo, t. VI, p. 72, 73, etc.
  3. Œuvres complètes du cardinal Pacca, t. Ier, p. 350.