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doucement Pie VII à s’occuper par lui-même du détail des affaires intérieures des divers diocèses de France, un grand point serait gagné. Si l’on pouvait à le décider à se fixer dans la capitale de l’empire, ce serait un pas immense vers la seule solution possible des difficultés pendantes. Napoléon ne désespérait pas en effet d’attirer le pape à Paris. Avis était déjà donné au cardinal Maury d’avoir à livrer son palais épiscopal aux architectes, afin qu’ils le missent en état de recevoir bientôt sa sainteté en bâtissant des écuries, en agrandissant les jardins, en doublant les appartemens de réception[1]. Les curieux de la capitale avaient assisté avec surprise à ces travaux précipités, dont le secret leur fut révélé par l’apparition d’un petit livre imprimé avec permission de la police, le Guide des voyageurs à Paris, et qui donnait officiellement à l’archevêché restauré de Notre-Dame le titre de « palais papal, jusqu’ici archiépiscopal. »

Tous les plans gigantesques agités vaguement par l’empereur sur les bords du Niémen, qu’il s’apprêtait à franchir, il n’était point fâché d’en laisser percer quelque chose aux yeux, non-seulement du public français, mais de l’Europe entière ; ils furent promptement déjoués par Pie VII. À peine rétabli de ses souffrances, le pape avait jeté un regard de souveraine indifférence sur les splendeurs de sa nouvelle demeure. Il déclara qu’il entendait y mener une vie aussi retirée qu’à Savone. Il y avait été conduit contre son gré, et s’y considérait comme prisonnier. Les voitures et les chevaux qu’on lui offrait pouvaient être ramenés aux écuries impériales ; il ne s’en servirait pas. Son intention n’était point d’officier publiquement dans la chapelle du château. Il demanda et obtint que l’on transformât en simple oratoire, pour y dire chaque jour sa messe, le salon le plus voisin de sa chambre à coucher. Au grand désappointement des habitans de Fontainebleau, il s’interdit même d’aller prendre l’air dans les jardins attenans au palais. Il ne se refusa d’ailleurs à aucune visite, et reçut avec une froide bonne grâce le ministre des cultes, ainsi que tous les grands fonctionnaires de l’empire, qui se rendirent par ordre auprès de lui ; mais il ne s’ouvrit de rien avec eux. L’accueil qu’il fit aux cardinaux mandés de Paris, à l’archevêque de Tours, aux évêques de Nantes, de Trêves et d’Évreux, quoique moins réservé, ne fut pas beaucoup plus encourageant. En vain les uns et les autres multiplièrent leurs visites ; en vain ils s’efforcèrent de mettre à plusieurs reprises l’entretien sur les contestations pendantes et sur les moyens

  1. Mémoires historiques sur les affaires ecclésiastiques de France, par M. Jauffret, t. II, p. 492.