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si périlleuse, et qu’il songe à réaliser sérieusement les promesses un peu vagues des discours adressés par lui aux représentans des Slaves. Il est certain que deux opinions fort différentes se manifestent de plus en plus au sein du ministère cisleithanien. M. Giskra, ministre de l’intérieur, M. Herbst, ministre de la justice, M. Hasner, ministre de l’instruction publique, représentent la politique allemande, celle qui ne renonce pas à jouer un rôle en Allemagne, qui veut prendre sa revanche de Sadowa, et qui considère le maintien de la domination allemande sur les Slaves comme le meilleur moyen de relever l’Autriche; les Tchèques n’ont pas de détracteurs plus passionnés, les idées que nous défendons n’ont pas d’adversaires plus opiniâtres. Au contraire M. le comte Taaffe, ministre de la sûreté publique, et M. Berger, ministre sans portefeuille, chargé des rapports avec la presse, sont plutôt les organes de la politique autrichienne, c’est-à-dire qu’avant de songer à l’Allemagne ils voudraient d’abord reconstituer l’Autriche; ceux-là se préoccupent de l’esprit public, et ils n’ont aucun parti-pris contre les réformes dont l’expérience démontrerait la nécessité. Or, selon des renseignemens que nous avons lieu de croire très exacts, M. le baron de Beust, chancelier de l’empire, serait en parfaite communauté de sentimens avec M. Berger et M. le comte Taaffe.

L’autorité de M. le baron de Beust est très grande en Autriche; son opinion sur le point qui nous occupe est-elle assez assurée déjà, assez nette et précise pour écarter les obstacles qu’il rencontrera infailliblement? Là-dessus, nous ne pouvons que faire des vœux. Il y a pourtant des symptômes qui encouragent nos espérances. Un manifeste récent, attribué à un fonctionnaire supérieur, exprime des idées conformes aux nôtres, et signale la nécessité d’une organisation nouvelle où les Slaves d’Autriche ne seront point sacrifiés. L’écrit porte ce titre : Voix politiques de la Bohême. Celui qui a recueilli ces plaintes de l’opinion est évidemment un Allemand d’Autriche animé des intentions les plus droites. Voilà un nouveau témoignage du progrès des idées fédératives parmi les esprits vigilans. Si l’auteur, ainsi qu’on l’affirme, était sûr de ne déplaire ni à M. Berger, ni au comte Taaffe, ni au chancelier de l’empire, ces pages, qui ont fait grand bruit en Bohême, seraient presque une promesse. On ajoute que M. de Beust aurait annoncé formellement l’intention de donner un chancelier à la Bohême, ce qui serait un commencement d’autonomie; on prétend même qu’il aurait dit: « Les Viennois crieront, que nous importe? Mieux vaut faire crier les Viennois que de soulever contre nous la moitié de la monarchie! » Il est vrai que les Viennois ne seront pas seuls à pousser