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d’étudier les causes de la décadence de l’Autriche et de signaler les remèdes. Fils de l’Allemagne, il eût désiré sans doute que la centralisation de l’Autriche pût se faire par l’influence des idées allemandes; l’entreprise ayant absolument échoué, il était puéril, toute question de droit à part, de s’acharner à une œuvre impossible. La première condition de la politique est, l’étude de la réalité. D’ailleurs, si toutes les tentatives de centralisation germanique depuis 1848 ont échoué misérablement, si les idées aristocratiques et hautaines du prince de Schwarzenberg, si la démocratie bureaucratique et niveleuse du baron de Bach, si la politique plus douce, plus libérale, mais toujours défiante, de M. le comte de Schmerling, n’ont réussi qu’à exalter les Magyars et les Slaves, l’immense désarroi de l’Autriche n’est-il pas un juste jugement de l’histoire? L’homme d’état qui a gouverné l’empire des Habsbourg pendant la première moitié du siècle a employé quarante ans de sa vie à éveiller les haines de races; il est juste que ce système machiavélique reçoive sa récompense. M. de Metternich n’avait songé qu’à diviser pour régner; il est juste que l’Autriche ne puisse reconstituer son unité que par une fédération. Allemand de cœur et d’âme, mais Allemand autrichien, M. Schuselka s’est vite converti à ces idées, parce qu’il y a vu te salut de son pays. C’est ainsi que la Réforme a soutenu les Magyars tant qu’ils ont revendiqué leur autonomie dans l’intérêt commun, c’est ainsi qu’elle soutient aujourd’hui les défenseurs du droit de la Bohême. Depuis que les Magyars se sont unis aux centralistes de Vienne pour opprimer les Slaves, le ministère du comte Andrassy n’a pas dans la presse un adversaire plus constant, plus honnête, plus redoutable, que M. Franz Schuselka, l’ancien défenseur des Magyars. « Les Magyars, disait dernièrement la Réforme, veulent fonder une nouvelle Autriche qui sera exclusivement magyare, et les autres peuples de l’ancienne Autriche, sans excepter les Allemands, devront être les serviteurs de cette Autriche magyare, lui payer des tributs, lui fournir des soldats. Les Magyars ont imposé aux nationalités de leur territoire une tyrannie insupportable, et ils veulent que le gouvernement de Vienne fasse la même chose en Cisleithanie. Les Magyars ont établi un dualisme qui est une double centralisation, par conséquent une double violence, une double injustice, une double impossibilité. Ce dualisme, œuvre des Hongrois, amènera dans chaque moitié de l’empire une guerre civile, une bataille de races, qui sera le signal de la dissolution de l’état. Et pour aucun des peuples de l’Autriche cette dissolution ne serait aussi fatale que pour les Magyars. Au jour de la catastrophe, les autres peuples trouveraient les alliances que leur indiquent la nature et l’histoire; les Magyars seraient seuls... » Voilà