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public, les Tchèques se retranchent dans leur résistance passive, et cette attitude, ce silence, produisent la plus vive impression sur tous ceux que n’aveugle point le parti-pris. Nous ne disons rien de trop; l’impression a été profonde et bien plus qu’on ne pouvait s’y attendre. Si l’on veut s’en rendre compte, il suffit de mesurer le progrès des idées fédéralistes, même parmi les Allemands de l’archiduché. Qu’une partie des Allemands de Bohême, malgré des antipathies invétérées contre les Tchèques, ait fini par s’attacher très sérieusement à l’autonomie du royaume, plusieurs causes ont concouru à ce résultat ; ce que les uns réclamaient au nom de l’indépendance nationale, d’autres le désiraient au nom des vieilles traditions, et voilà comment la noblesse allemande de Bohême se trouva d’accord avec la démocratie slave. Une chose plus étonnante à coup sûr, c’est que des voix favorables aux revendications de la Bohême se soient élevées dans la presse viennoise. Qui donc a mis en pratique un système de provocations incessantes contre les Tchèques? La presse de Vienne. Qui donc leur jette l’injure à pleines mains, afin de les humilier, s’ils gardent le silence, et de les dénoncer, s’ils relèvent la tête? La presse de Vienne. On dirait que la vieille capitale, déjà dépossédée de son titre pour une moitié de l’empire, livre ici sa dernière bataille. Vaines clameurs après tout! la population de Vienne est trop cosmopolite, partant trop insouciante, pour s’intéresser à de tels débats. N’est-elle pas assurée que sa bonne ville restera toujours la capitale du luxe et des plaisirs? La presse viennoise fait plus de bruit que de besogne. N’importe; ce bruit est très fort, on dirait qu’il représente quelque chose, et il risque à la longue d’étourdir les meilleures têtes. C’est donc un symptôme très heureux, si au milieu d’un pareil vacarme des publicistes libéraux, préoccupés à la fois de l’honneur allemand et du salut de l’Autriche, soutiennent la cause des Tchèques, c’est-à-dire la cause du droit, contre le dualisme.

Tel est le rôle que s’est donné M. Franz Schuselka, telle est la tâche qu’il remplit avec talent dans un recueil hebdomadaire intitulé la Réforme. M. Franz Schuselka est un démocrate, mais un démocrate libéral, j’aurais dit autrefois un démocrate germanique, tant la démocratie germanique, avant les tentations de la politique prussienne, se séparait de la démocratie latine par son respect de tous les droits. Le respect de tous les droits, voilà le sentiment qui inspire l’esprit pratique de M. Franz Schuselka. Au lendemain des concessions de 1861, quand l’empereur François-Joseph, après Solferino, comprit enfin la nécessité d’abandonner un système qui ruinait l’empire, M. Schuselka fut un des premiers à profiter des libertés nouvelles. Il fonda ce recueil la Réforme avec l’intention