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droits d’une nation; c’est sur la patrie commune que l’on délibérait. Or, de ces nombreux meetings, le plus significatif est celui qui eut lieu le 22 juin 1868 au pied de la montagne de Berdez. On y adopta d’une voix unanime la résolution suivante, qui fut bientôt couverte de signatures :


« Nous, fils d’une même patrie, enfans du royaume de Bohême, hommes de nationalité bohème et allemande, rassemblés au pied du majestueux Berdez, déclarons par cette manifestation solennelle que nous sommes en bonne intelligence, en plein accord les uns avec les autres, et que nous souhaitons la même chose à nos frères de toute classe habitant le royaume de Bohême. — Nous savons que les deux nationalités habitent depuis des siècles cette terre qui nous est commune, nous savons qu’elles ont participé ensemble à la prospérité des jours heureux comme aux angoisses des jours néfastes, et nous sommes prêts à défendre ce glorieux royaume, notre patrie, toujours et contre tous. — Nous désirons que le peuple du royaume, sans distinction de race, puisse régler lui-même ses affaires avec le roi couronné selon notre antique coutume et selon notre droit. — Nous voulons qu’on ne puisse appliquer en Bohême d’autres lois que celles qui sont élaborées par la diète légale de Bohême et sanctionnées par le roi. — Nous voulons qu’on ne puisse ni imposer des contributions, ni recruter des soldats, sans que la diète et le roi l’aient ordonné. — Lorsque nos affaires seront réglées par une législation indigène et une administration nationale, seules capables de connaître nos besoins et d’apprécier notre situation, lorsque le droit constitutionnel de ce royaume aura été légalement réformé selon le progrès des temps, mais toujours sur la base historique, d’après le principe de l’autonomie, sans pouvoir jamais se fondre et disparaître dans quelque unité politique que ce soit, alors, alors seulement sera fondée la prospérité du peuple de Bohême, sans distinction de race. Nous déclarons que nous ne cesserons pas de travailler à l’accomplissement des conditions ci-dessus, et cela en signe de l’union, en vue de la concorde des deux nationalités ici présentes. Vive la concorde ! vive le royaume de Bohême! »


Voilà certes un noble pacte! Nous savons bien que ce meeting a été dissous, nous savons bien que tous les meetings des semaines suivantes ont été entravés par des chicanes ou dispersés par la force, que la ville de Prague est restée quatre mois en état de siège, qu’il y a eu dans ces quatre mois jusqu’à deux cents procès de presse; qu’importe? On peut étouffer la voix d’un orateur, briser la plume d’un écrivain, on n’étouffe pas la volonté d’un peuple. Si les manifestations tumultueuses deviennent un péril pour l’ordre