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vers l’unité germanique, les Tchèques, les Ruthènes, les Croates, les Slovènes, gravitant vers la grande monarchie slave; que resterait-il de l’Autriche? Un seul morceau, la Hongrie, puisque la Hongrie est seule de sa race au milieu des populations de l’Europe orientale; mais cette Hongrie, si fière en ce moment, que deviendrait-elle à son tour, écrasée entre le pangermanisme et le panslavisme? L’avertissement de M. Palaçky ne s’adresse donc pas seulement aux Habsbourg, il est dirigé aussi contre les Magyars. Voilà le sens de ces paroles que la nécessité lui arrache, qu’il prononce à contre-cœur, et qui sont bien le dernier mot de la crise : « nous existions avant l’Autriche, nous existerons après elle. »


II.

M. Palaçky écrivait ces paroles le 16 mai 1865; il semblait d’abord que le gouvernement se décidât enfin à ouvrir les yeux. C’est le 21 novembre de cette même année que le système centraliste fut définitivement abandonné, et le ministre chargé d’inaugurer un nouveau système, M. le comte Belcredi, passait pour favorable aux idées de fédération. Certainement M. Belcredi était fort opposé à la centralisation oppressive du prince de Schwarzenberg et du baron de Bach; il désapprouvait même la centralisation plus modérée du comte de Schmerling; enfin il connaissait trop bien l’opinion publique des pays slaves pour ne pas voir que le dualisme austro-hongrois, établi d’une manière définitive, serait une funeste politique. Comment donc n’a-t-il pas réussi à faire triompher ses vues? bien plus, comment a-t-il pu se résigner à être le premier promoteur du dualisme? C’est que cette demi-victoire de l’opinion slave fut presque immédiatement paralysée par les conséquences de la bataille de Sadowa. La bataille de Sadowa, qui précipita le triomphe des Magyars, ajourna les réclamations tout aussi légitimes des Tchèques de Bohême.

Il faut rappeler et expliquer les faits en peu de mots. Lorsque l’empereur d’Autriche, après la guerre d’Italie et la paix de Villafranca, comprit la nécessité de renouveler son empire en renonçant au pouvoir absolu, il publia un manifeste où « les droits historiques de toutes les nations de la monarchie » étaient solennellement reconnus. C’est le manifeste célèbre accompagné du diplôme ou règlement qui porte la date du 20 octobre 1860. L’empereur promettait de respecter à l’avenir les demandes légitimes de toutes ses nations; les questions de finances, de postes, de télégraphes, de service militaire, étant réservées au conseil de l’em-