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documens se joignent des notes, des commentaires, des appendices, dont l’histoire littéraire peut faire son profit. Nous recommandons particulièrement le chapitre intitulé : les lettrés, les artistes et les artisans à Paris vers la fin du quatorzième siècle et au commencement du quinzième. Même après le vaste tableau que MM. Victor Leclerc et Ernest Renan ont tracé de l’état des lettres et des arts au XIVe siècle dans le XXIVe volume de l’Histoire littéraire de la France, les études de M. Le Roux, de Lincy ont encore leur intérêt et leur prix.

Nous écrivions cette simple note quand une maladie cruelle est venue enlever M. Le Roux de Lincy à l’érudition française. Le laborieux chercheur ne lira pas les remercîmens auxquels il avait droit ; qu’il nous soit permis du moins de payer ce modeste tribut à sa mémoire. Les époques les plus agitées ont des retraites silencieuses, des asiles pour l’étude paisible et désintéressée ; le XVIIIe siècle n’a-t-il pas eu ses bénédictins ? M. Le Roux de Lincy était un de ces bénédictins qui passent dans le monde sans bruit, sans récompense littéraire, ou plutôt dont la seule récompense est le plaisir même d’avoir mis leur savoir à la disposition d’autrui, d’avoir servi discrètement les lettres sérieuses. Il y a trente-sept ans que M. de Lincy publiait, d’après un manuscrit de la Bibliothèque impériale, un des plus curieux poèmes du XIIIe siècle, li romans de Berte aus grans pies, du roi Adenès ; quand la mort l’a frappé, il poursuivait ses recherches sur les historiens de la ville de Paris, car ce premier volume n’était qu’un commencement. Entre l’édition de Berte aus grans pies et les études sur les historiens de Paris, M. de Lincy avait appliqué ses investigations à un grand nombre de points de notre histoire littéraire. Il possédait particulièrement les XVe et XVIe siècles. Bien qu’on ait de lui des recherches pleines d’intérêt sur les sermons français de saint Bernard, bien qu’il ait donné un recueil Chants historiques français où le moyen âge tient une large place, c’était surtout la fin du moyen âge et la renaissance qui étaient devenues le centre de ses explorations. Sa Vie d’Anne de Bretagne (1860), ses Recherches sur Jean Grolier (1866), seront toujours consultées avec fruit par les historiens de la renaissance. Nous aurions bien d’autres travaux à signaler, s’il s’agissait ici de dresser la liste des œuvres utiles, des éditions scrupuleusement exactes auxquelles est attaché le nom de M. Le Roux de Lincy. Nous avons voulu seulement exprimer la gratitude des lettrés pour l’homme excellent dont l’obligeance égalait le savoir, et qui, confiné dans son rôle de bibliophile, était si heureux de prêter aux écrivains le secours de ses lectures.


SAINT-RENE TAILLANDIER.


C. BULOZ