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déclarations du gouvernement. Tandis que la gauche se tient dans une habile réserve et que la majorité attend une direction, c’est le tiers-parti, naturellement désigné pour ce rôle, qui prend la tête du mouvement. Il combine sa campagne, il cherche une formule d’interpellation qui de jour en jour se modifie et se précise pour finir par la demande de la constitution d’un ministère responsable. C’est un drapeau opposé aux déclarations vagues du gouvernement ; mais bientôt ce n’est plus seulement le tiers-parti qui est en marche, la majorité elle-même, à demi désorientée, se débande à son tour, et porte au mouvement un contingent d’adhésions inattendues. M. de Mackau, le confident des hésitations du chef de l’état, va signer la demande d’interpellation du tiers-parti, et avec M. de Mackau M. le duc de Mouchy, qui tout récemment recevait l’empereur dans son château, et avec ceux-ci, qui n’ont d’importance que par le nom ou par une circonstance particulière, bien d’autres emboîtent le pas par entraînement ou pour ne point se laisser distancer, si bien qu’en peu de jours l’interpellation réunit plus de cent signatures. Ce qui était au lendemain des élections une minorité devient presque une majorité dans la chambre, tant la contagion est prompte à se propager. Que fait de son côté le gouvernement ? Il ne fait rien encore, et il laisse faire ; il est tout entier à des délibérations inconnues, il cause avec les députés, il négocie avec les chefs du tiers-parti. Pressé par la menace d’une interpellation qui n’attend pour se produire que la constitution de la chambre, il laisse passer les jours, lorsqu’à la dernière heure, et afin de garder au moins l’apparence de la spontanéité, l’empereur adresse au corps législatif un message précisant enfin, énumérant les réformes constitutionnelles et parlementaires qui doivent être accomplies. Il est certain que, pour venir un peu tardivement, les concessions ne sont pas moins à peu près complètes. Est-ce là tout cependant ? En aucune façon ; ce n’est peut-être au contraire que le commencement. A peine le message a-t-il retenti dans la chambre, que se déclare une crise ministérielle bien facile à prévoir et aussi peu ménagée que tout le reste ; le corps législatif est prorogé indéfiniment, le sénat est appelé à se réunir le 2 août pour enregistrer les irréparables changemens faits à une constitution dont il est le gardien ou le médecin. On entre décidément dans l’inconnu. Jusqu’ici, nous nous bornons à raconter une histoire qui n’est point sûrement arrivée à ses dernières péripéties, qui vient se résumer pour le moment dans la promulgation d’une politique nouvelle et dans une crise de pouvoir qui commence à peine.

Ce qui frappe dès le premier abord, on en conviendra, dans cette série d’événemens, c’est la rapidité avec laquelle la crise actuelle s’est développée depuis les élections. Nous ne cachons pas que, si par un côté cette crise est à nos yeux rassurante et heureuse, puisqu’elle est une victoire des instincts libéraux, une restitution de droits, elle laisse d’un