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que se rencontrent les données les plus précises sur l’état de ce royaume, qu’il s’efforça d’évangéliser. Il a vu les lieux, les hommes et les choses. A la même époque que le voyage du père Marini eut lieu l’ambassade hollandaise qui essaya de nouer des relations avec le plus grand roi du Laos ; depuis lors, aucun Européen n’avait pénétré jusque-là. Ces Hollandais mirent onze semaines à remonter le Mékong depuis la frontière du Cambodge jusqu’à Vien-Chan, qu’ils appellent Winkyan. Ils se sont servis comme nous d’étroites pirogues, ont franchi les mêmes obstacles et de la même façon. On se demande même, en relisant aujourd’hui leur journal de voyage, comment il a été possible d’entretenir des espérances relativement à la navigabilité du fleuve. Là où nous n’avons plus trouvé que des ruines, Gérard van Vusthorf et ses compagnons rencontrèrent une ville florissante. Voici, d’après Dubois, comment ils furent accueillis par le roi. « Aux approches de la capitale, quelques officiers vinrent demander au chef de l’ambassade communication particulière de ses lettres de créance avant qu’il lui fût permis de les remettre. Ces lettres ayant été examinées et trouvées en bonne forme, trois grandes pirogues montées chacune par quarante rameurs furent envoyées pour prendre l’ambassadeur et son cortège. On mit les lettres dans la principale sur un vase d’or posé sous un dais magnifique[1]. Les Hollandais se placèrent derrière. Un mandarin était chargé de les conduire au logement que le roi leur avait fait préparer. Ils y furent complimentés par un autre mandarin au nom de ce prince, qui leur fit offrir des rafraîchissemens et quelques présens. On ne tarda pas à fixer le jour de l’audience, à laquelle l’ambassadeur fut conduit avec beaucoup de pompe. Un éléphant portait la lettre du gouverneur-général sur un bassin d’or. Cinq autres éléphans étaient montés par l’ambassadeur et ses gens. On passa devant le palais du roi au milieu d’une double haie de soldats, et l’on arriva enfin auprès d’une des portes de la ville, dont les murailles de pierres rouges étaient environnées d’un large fossé sans eau, mais tout rempli de broussailles. Après avoir marché encore un quart de lieue, les Hollandais descendirent de leurs éléphans, et entrèrent dans les tentes qu’on leur avait fait dresser en attendant les ordres du roi. La plaine était couverte d’officiers et de soldats qui montaient des éléphans ou des chevaux, et qui tous campaient aussi sous la toile. Au bout d’une heure, le roi parut sur un éléphant, sortant de la ville avec une garde de 3,000 soldats, les uns armés de mousquets, les autres de piques. Après eux venait

  1. Ce cérémonial est encore en usage dans ces contrées, à Siam par exemple et au Cambodge. On rend aux lettres les honneurs dus aux personnages qui les ont écrites.