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troupeaux d’esclaves. Un certain courant d’échanges existe dès à présent, il ne s’agit donc plus que de le développer. Des Annamites, des Chinois et des Européens concourraient utilement à cette œuvre de propagande commerciale qui profiterait à notre colonie. Arracher les Laotiens à leur torpeur, les amener à produire par la perspective de débouchés certains, susciter en eux des désirs, leur créer des besoins, forcer les autorités locales au respect de nos négocians et leur inspirer par là quelque modération dans leurs exigences envers ceux de leurs administrés qui traiteraient avec des sujets français, ce serait une méthode excellente et dont le gouvernement colonial pourrait tenter l’application. Certains objets de fabrication européenne s’imposeraient bientôt à la masse des habitans. Déjà les rigueurs relatives de la saison froide forcent les Laotiens à recourir aux tissus de laine, dont la plupart, sortis des manufactures anglaises, sont introduits par Bangkok. Le goût des étoiles brillantes est assez répandu, et c’est là peut-être le seul luxe qui soit un peu général. Les montres, les armes, sont recherchées des gens riches ; en échange d’un présent de cette nature, nous obtenions des autorités tous les services possibles. Les mandarins transforment leurs demeures en musées où ils étalent avec orgueil les rebuts de nos plus grossières fabrications, et les estiment d’autant plus qu’ils les ont payés plus cher.

D’un autre côté, la nature timide et douce de ces populations faciles à effrayer rendrait nécessaire une surveillance constante ou périodique. Parmi nos compatriotes qui vont chercher fortune à l’étranger, la plupart sont sans doute des gens honorables qu’il est fort injuste d’envelopper dans une de ces condamnations générales et sommaires trop souvent prononcées contre eux. Il ne faut pas se dissimuler cependant que, lorsqu’il s’agira de pénétrer dans un pays comme le Laos, on rencontrera parmi les Européens qui l’essaieront des hommes disposés, s’ils se sentent à l’abri de tout contrôle, à dépouiller les habitudes paisibles du négociant honnête pour prendre les allures conquérantes de l’aventurier. Ce serait un véritable malheur. Le gouverneur de la Cochinchine pourrait le prévenir en organisant dans le bas du fleuve une sorte d’inspection annuelle, ou bien en assignant pour résidence à l’un de ses officiers un des points importans du Laos inférieur, Bassac par exemple. Outre que les conseils d’un de ces hommes intelligens auxquels notre colonie doit en partie sa prospérité seraient d’un précieux secours pour les autorités indigènes, la répression immédiate que cet agent serait mis en mesure d’exercer contre la violence et la fraude maintiendrait nos propres nationaux dans les limites du devoir. Des plaintes parvenant après un fort long intervalle au gouverneur de la Cochinchine par l’intermédiaire du roi de Siam ne seront jamais