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corps législatif par cette partie de la bourgeoisie parisienne chez qui les instincts conservateurs se concilient avec le sentiment libéral. On lui a enlevé le quartier de la Chaussée-d’Antin et le quartier Saint-George, où il réside. On lui a donné d’un côté la banlieue d’Auteuil, les Batignolles, les Ternes, de l’autre côté le quartier central de Saint-Germain-l’Auxerrois, où il a trouvé pour électeurs les employés du château, les gendarmes de la garde et la brigade de réserve de la préfecture de police. Sa circonscription, d’une étendue considérable, comprenait 41,000 électeurs au lieu de 32,000 qu’il avait précédemment. M. Ernest Picard, chez qui la verve parisienne pétille, était l’idole des quartiers du centre ; ce sont ceux qu’on lui a enlevés pour lui donner la Chaussée-d’Autin, Saint-George et le faubourg Montmartre. Le premier collège, où le patriotisme calme et ferme de M. Carnot avait réussi en 1863, est bourré d’élémens inflammables, ce qui assure un triomphe à M. Gambetta. A M. Jules Simon, à qui la reconnaissance des classes souffrantes est acquise, on retranche les quartiers où la misère fait le plus de ravages. On sépare M. Pelletan des ouvriers du faubourg Saint-Antoine, et il n’a plus de contact qu’avec les populations rurales de la banlieue. L’intention de ces changemens ne peut échapper à personne.

Le même système est appliqué dans les provinces, et souvent à outrance. Toutes les circonscriptions déjà conquises par des opposans, toutes celles où la résistance est à craindre, sont remaniées. Dans le Rhône, trois nominations étaient considérées comme certaines, celles de M. Hénon, de M. Jules Favre et de M. Frédéric Morin, qui venait d’être nommé conseiller-général. On amalgame les populations de telle sorte que ces trois candidats ne retrouvent plus leur clientèle. L’habileté consiste à ce que le député à l’index ne puisse pas se représenter devant les mêmes électeurs. Cela est peut-être contraire à l’esprit de la loi, peu importe. Ce procédé est appliqué à Bordeaux, dont les tendances libérales sont connues, à Marseille, qui avait nommé MM. Berryer et Marie, dans le Pas-de-Calais, qui avait eu le tort d’envoyer au corps législatif trois députés indépendans sur six. A Nantes, où la majorité de M. Lanjuinais avait été d’environ 600 voix, on a annexé, pour faire contre-poids, un canton rural qui comprend 7,000 électeurs, et le nombre des inscrits passe soudainement de 38,717 à 45,330. Même tactique à l’égard de M. Glais-Bizoin. En 1863, sa circonscription comprenait 31,493 inscrits, et il avait pu être élu par 12,827 voix. On lui enlève le canton où il a des relations anciennes et on ajoute trois cantons nouveaux où ses amis sont moins nombreux. Le nombre des inscrits est ainsi porté à 44,881 ; M. Glais-Bizoin obtient à peu près le même nombre de suffrages que précédemment, et malgré cela il