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de Lyon, qu’on pourrait expliquer par des circonstances exceptionnelles, l’opposition avait obtenu de fortes majorités dans une soixantaine de villes des plus importantes. Le gouvernement n’avait eu pour lui qu’une quarantaine de villes, souvent même sans une prépondérance bien marquée. Le système en vigueur semblait condamné dans la plupart des centres qui sont des foyers de lumière.

Parmi les opposans, on n’eût trouvé que dix-neuf adversaires déclarés du gouvernement personnel, avec des tendances plus ou moins accusées depuis la foi républicaine jusqu’aux théories des anciens parlementaires ; mais la diversité de leurs points de départ, les nuances connues de leurs opinions, allaient disparaître dans l’unanimité de leurs réclamations et de leurs efforts. En définitive, le groupe des cinq était reconstitué, la carrière était rouverte pour des notabilités dont le long silence avait affligé le public, des hommes d’un talent supérieur et incontesté, des lutteurs politiques expérimentés et de première force, MM. Thiers, Lanjuinais, Berryer, Marie, Jules Simon, Pelletan, Glais-Bizoin, Garnier-Pagès. Entre ceux-ci et la majorité, des observateurs attentifs auraient déjà vu poindre ce groupe qu’on a plus tard appelé le tiers-parti, et qui devait grossir peu à peu en attirant à lui ces amis de l’empire qui, se rappelant le mot de M. de Morny, craignent de s’être embarqués dans « un navire sans lest. »

Une majorité imposante par le nombre et fortement disciplinée restait debout et prête à fonctionner comme par le passé. Malgré cela, il n’y avait point à se tromper sur le sens des élections de 1863. La France venait de montrer qu’elle était acquise au programme développé dans toutes les circulaires libérales et qui se résumait en ces trois mots : liberté, contrôle, économie. Les tendances n’accusaient rien d’irréconciliable avec les institutions impériales ; toutefois elles condamnaient évidemment les candidatures officielles, qui font du pouvoir exécutif une véritable autocratie. Le suffrage universel enfin demandait le couronnement de l’édifice. Comment ce premier avertissement donné à l’empire serait-il pris en haut lieu ? Il est curieux de ressaisir les impressions à ce sujet dans les écrits et les souvenirs d’il y a six ans : on y voit l’opinion publique passer par toutes les phases qu’elle a de nouveau parcourues depuis les derniers scrutins. On parle d’abord, à tort ou à raison, de la surprise et des ressentimens qui agitent les régions olympiennes du pouvoir. Le bruit d’une espèce de coup d’état contre les élections de Paris court à la bourse ; puis la probabilité d’une guerre prochaine est discutée dans le public. Bien des gens sont persuadés qu’on essaiera de distraire la nation de ses propres intérêts en l’occupant des affaires d’autrui, en remaniant la carte de l’Europe au profit de la Pologne. Les journaux remarquent que les conseils