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de vie, ceux des campagnes pas encore. Les abstentionistes, de moins en moins nombreux malgré une aigre admonestation de Proudhon, étaient tombés dans le discrédit. D’un autre côté, le gouvernement fut surpris par l’ampleur du mouvement et prit l’alarme. M. de Persigny, qui dirigeait encore l’opération, affirma plus que jamais le principe des candidatures officielles. Un appel extraordinaire fut fait au zèle des agens du pouvoir, et chacun de ceux-ci donna cours à ses inspirations bonnes ou mauvaises.

Pour tous ceux qui s’occupent de politique en Europe, les élections de 1863 ont été un spectacle nouveau, plein d’intérêt et d’émotion ; elles ont laissé dans les esprits des souvenirs qui vivent encore : on peut donc glisser sur les détails et rappeler seulement les résultats généraux. La France comptant alors trois départemens de plus, le nombre des électeurs inscrits fut de 10,003,748 pour 283 députés à nommer. Le chiffre des votans monta à 7,303,735, ce qui réduisit les abstentions à 28 pour 100 au lieu de 35 pour 100 à l’épreuve précédente. Les candidats recommandés par le gouvernement avaient recueilli 5,308,254 voix : c’est une proportion de 73 pour 100, un peu moins des trois quarts des suffrages exprimés. Les oppositions de nuances diverses avaient obtenu 1,954,369 voix, c’est-à-dire un peu plus du quart des votés.

Il y eut à faire dix ballottages. Après la seconde épreuve, le résultat définitif ne laissa pas les vainqueurs moins étonnés que les vaincus. L’analyse des chiffres était en effet très significative. Dans le département de la Seine, où beaucoup d’électeurs avaient négligé de se mettre en règle, le nombre des inscrits était tombé à 326,169, de sorte que ce département n’avait plus droit qu’à neuf députés au lieu de 10. Il y eut 237,738 votes exprimés. Sur ce nombre, 154,448 sont donnés à l’opposition, et le gouvernement, avec tous les ressorts qu’il met en jeu, avec tout le personnel dont il dispose, n’en obtient plus que 88,315. Les neuf sièges attribués à la députation de Paris sont conquis de haute lutte et assurés pour longtemps à la démocratie libérale. Dans les autres départemens, qui ont 274 députés à élire, 25 sont nommés en dépit de l’action gouvernementale.

A ne mettre en balance que les chiffres, le progrès de l’opposition semblait bien faible. Il devenait significatif à considérer les principes, le caractère, le prestige personnel des élus, le classement des votes et les tendances de l’esprit public. Même dans les circonscriptions où l’opposition avait été vaincue, 33 de ses candidats avaient eu plus de 10,000 voix, — 66 avaient eu de 6,000 à 10,000 voix, — 75 avaient obtenu entre 3,000 et 6,000. Le symptôme qui donnait le plus à réfléchir était le vote des villes comparé à celui des campagnes. Sans compter les manifestations de Paris et