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de déclarer l’état de siège dans un ou plusieurs départemens. Un sénat choisi par lui maintient ou annule tous les actes qui lui sont déférés comme inconstitutionnels. Le corps législatif perd le droit d’initiative et ne reçoit plus de pétitions, il ne choisit plus ses présidens. Les amendemens émanés de lui ne peuvent plus être décrétés sans l’approbation du conseil d’état. Le budget des dépenses est voté en bloc et par ministère ; des viremens de crédit d’un chapitre à l’autre peuvent être autorisés par décrets. Le compte-rendu des travaux législatifs est réduit à la reproduction d’un maigre procès-verbal rédigé par une commission spéciale. En cas de dissolution du corps législatif, le chef de l’état a six mois devant lui pour en convoquer un nouveau, et pendant ce délai il demande au sénat les mesures d’urgence qu’il juge nécessaires. Toute réunion politique est supprimée, même pendant la période électorale ; en même temps le contrôle et la controverse par la presse sont neutralisés par un agencement de mesures restrictives et de charges fiscales. Tel était l’état des choses en 1852 : on chercherait vainement dans l’histoire des pays constitutionnels une pareille concentration de pouvoirs.

Le vote du 20 décembre avait donc créé en réalité une dictature qui devait être transformée six mois plus tard en empire. Dans la logique de cette situation, il devenait impossible d’exposer le suffrage universel à se déjuger lui-même, à détruire son œuvre de la veille, en lui laissant la faculté d’opposer à un gouvernement dictatorial une législature résistante. On évita ce contre-sens politique en introduisant les candidatures officielles, et M. de Persigny posa carrément la théorie du système dans sa circulaire adressée aux préfets à la veille des élections de 1852. « Le peuple français, disait le ministre de l’intérieur, a donné mission au neveu de l’empereur de faire une constitution sur des bases déterminées… Le bien ne se peut faire aujourd’hui qu’à une condition, c’est que le sénat, le conseil d’état, le corps législatif, l’administration, soient avec le chef de l’état en parfaite harmonie d’idées, de sentimens, d’intérêts… En conséquence, monsieur le préfet, prenez des mesures pour faire connaître aux électeurs de chaque circonscription de votre département par l’intermédiaire des divers agens de l’administration, par toutes les voies que vous jugerez convenables, selon l’esprit des localités, et au besoin par des proclamations affichées dans les communes, celui des candidats que le gouvernement de Louis-Napoléon juge le plus propre à l’aider dans son œuvre réparatrice. » Voilà la théorie véritable et la différence nettement tranchée entre la candidature officielle de l’empire et les influences plus ou moins abusives pratiquées à d’autres époques. Celles-ci étaient dissimulées autrefois et niées autant que possible ; la candidature officielle