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organique du 2 février suivant. Cette législation, dictée d’autorité, est encore celle qui régit aujourd’hui l’exercice de la souveraineté nationale. Le scrutin de liste est aboli ; le bulletin de vote ne contient plus qu’un nom. Le nombre des députés, réduit dans la proportion de 750 à 261, correspond non plus au chiffre de la population, mais à celui des électeurs inscrits. La durée du mandat législatif est portée de trois à six ans. Un collège électoral est formé par le groupement de 35,000 électeurs, et chaque département nomme autant de députés qu’il renferme de collèges électoraux. L’élection se fait, non plus par canton, mais à la commune, et les grosses communes peuvent encore être subdivisées à la discrétion du préfet. Ainsi l’exercice du droit souverain se trouve morcelé en 38,000 centres d’opérations dont les trois quarts (28,199 communes sur 37,548) comptent de 100 à 1,000 habitans, ce qui fournit une moyenne de 126 électeurs.

On saisira sans peine la différence entre cette manière d’appliquer le droit de suffrage et les procédés du régime antérieur. Toutefois les innovations principales ne sont pas celles qu’on a écrites dans la loi. Le système électoral de l’empire a deux traits qui le caractérisent, le tracé arbitraire des circonscriptions et les candidatures officielles. Quand on a lu dans la constitution du 14 janvier : « il y aura un député au corps législatif à raison de 35,000 électeurs, » il n’est venu à l’esprit de personne que le gouvernement se réservait le droit de grouper les électeurs à sa fantaisie, abstraction faite des convenances locales, des affinités de mœurs et d’intérêts, sans autre préoccupation que de faire échec aux adversaires de sa politique. Sous les constitutions précédentes, les remaniemens de cette nature devaient être autorisés par une loi, et ils donnaient souvent lieu à des débats très vifs. Aujourd’hui l’administration a le droit de renouveler le tracé tous les cinq ans, c’est-à-dire à la veille des élections générales. Elle sait à l’avance dans quelles conditions la lutte va s’engager, et la faculté qu’elle a de préparer le champ de bataille, d’y amener des élémens hostiles à l’opposition, d’augmenter la clientèle du candidat préféré, devient dans ses mains un moyen d’action souvent irrésistible. Il n’y a rien qui ressemble à cela dans aucun autre pays ; on en peut dire autant de la candidature officielle.

Appelé à s’expliquer sur ce point dans une discussion récente, M. de Forcade la Roquette a dit énergiquement : « Les candidatures officielles ne tiennent pas à tel ou tel système ; les candidatures officielles sont de tous les systèmes (approbation) ; elles ont été pratiquées sous les régimes les plus libéraux,… sous la restauration, sous le gouvernement de juillet, sous la république elle-même ; sous la république surtout, les candidatures officielles ont