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à Marseille en qualité de préfet pour succéder à la mission de M. Emile Ollivier, Il y resta jusqu’après le 10 décembre. M. Léon Faucher, parvenu au ministère de l’intérieur, trouva le préfet des Bouches-du-Rhône trop républicain pour la nouvelle phase où on venait d’entrer ; il s’empressa de le destituer. Le président ne voulut pas que ce rappel fût une disgrâce, et il offrit à Peauger le choix entre trois places considérables. Celui-ci inclinait à tout refuser. Ses amis, le sachant sans fortune, triomphèrent de son hésitation. Il accepta la direction de l’Imprimerie nationale. L’année suivante fut présentée la loi du 31 mai, qui était une mutilation du suffrage universel. Peauger envoya sa démission et rentra pauvre dans la vie privée.

Le prisonnier de Ham n’avait pas été sans réfléchir sur le droit de suffrage, ce grand ressort des sociétés modernes. Il serait curieux de savoir si un article intitulé : Du droit électoral, qui a été reproduit dans les œuvres de Napoléon III, a été écrit avant ou après la visite du journaliste d’Angers. L’auteur des Idées napoléoniennes, qui aimait à introduire ses propres idées sous le patronage de Napoléon Ier, s’est exprimé ainsi :

« Nous ne doutons pas qu’à la paix le système d’élection de l’empereur ne se fût ainsi formulé. — Tous les Français sont électeurs et éligibles. L’élection est à deux degrés. Tous les citoyens domiciliés dans un canton se réuniront et procéderont à l’élection des membres des collèges électoraux d’arrondissement et de département. Ces collèges procéderont directement à l’élection des députés. Les collèges de département seuls proposeront trois candidats pour la place de sénateur.

« Une pareille loi, ajouté l’auteur, nous paraît être d’accord avec les idées de progrès et avec les conditions de stabilité indispensables au bonheur d’un pays. Ce système sanctionne franchement les idées de liberté : il donne des droits politiques à tout un peuple, sans offrir les dangers et les inconvéniens de ce que l’on entend ordinairement par suffrage universel. »

Le gouvernement royal n’était pas plus troublé sans doute par les rêveries du prisonnier de Ham que par des articles de journaux sans retentissement marqué dans la multitude. M. Guizot s’écriait fièrement à la tribune : « Il n’y a pas de jour pour le suffrage universel ! » Toutefois, comme dans ces questions électorales l’obstacle aux réformes est toujours la prérogative monarchique, le souverain assurant qu’il répond au vœu de la majorité en se réservant la direction de toute chose, et les oppositions attribuant tout le mal social à l’action sans contrôle du chef de l’état, ce conflit aboutit infailliblement à l’antagonisme du self-government et du gouvernement personnel. Avec le sang-froid mortel d’un témoin qui règle