faisons de l’architecture administrative. Les artistes qui refusent de plier sont écartés et remplacés par d’autres plus soumis à la discipline. Les peintres sont moins forcés de passer sous le joug, nous en pourrions citer pourtant qui restent sous leur tente pour ne pas subir certaines conditions qui leur paraissent déraisonnables. Le plus grand nombre, en dépit de l’Académie des Beaux-Arts, ne se sont pas groupés par écoles ; ils combattent éparpillés dans toutes les directions, sur toutes les routes, à leur fantaisie, sans drapeau, plutôt en tirailleurs qu’en troupes de ligne. Si nous ne pouvons opposer que peu de noms à la pléiade de la renaissance, si Léonard, Michel-Ange, Raphaël, Titien, Véronèse, Corrège, brillent toujours d’un éclat qui ne sera point effacé, il est tel de nos peintres récens qui ne le cédera sans doute à personne dans l’équitable jugement de la postérité. En sculpture, nous tenons sûrement le premier rang, et nous ne l’avons jamais perdu depuis le moment où Louis XIV, installant l’Académie de France en plein cœur de la civilisation italienne, a permis à nos sculpteurs de renouveler l’étude du beau plastique. Quelques critiques ont voulu placer l’école contemporaine d’Italie à côté de la nôtre. Combien elle en est loin selon nous ! Elle est dépourvue d’ampleur, maniérée, trop spirituelle, prodigieuse d’habileté, cela est vrai ; mais est-ce surtout de l’habileté qu’on demande à la statuaire ?
Il ne faut pas se le dissimuler toutefois, le monopole de l’art est près de nous échapper. Nous ne sommes déjà plus en possession d’enseigner les autres peuples. Les artistes étrangers viennent chez nous tout formés déjà, et seulement afin de consulter nos traditions, de se perfectionner dans quelques procédés pratiques. Après tout, cela prouve que le niveau général des sociétés s’élève, et nous aurions mauvaise grâce à nous en affliger. Aux yeux même des hommes qui ne sont touchés que des intérêts immédiats de leur pays, il ressort de cette situation un résultat favorable. Nous trouvons au dehors des débouchés pour nos œuvres d’art, dont la quantité va en croissant plus vite que n’augmentent les besoins manifestés jusqu’à présent par la nouvelle société française. Pour conserver cet avantage, il faut, tout en souhaitant une cordiale bienvenue à ces nouveaux émules, maintenir l’autorité qu’a su conquérir notre école, héritière de toutes les grandes écoles d’Europe. Cette supériorité, plus disputée, n’en sera pas moins glorieuse. Ce que nous devons désirer, c’est non pas de nous enorgueillir d’une supériorité solitaire, mais plutôt nous montrer les premiers parmi nos pairs. C’est la formule de l’émulation moderne.
CH. D’HENRIET.