Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/430

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Dans ce mouvement de lutte généreuse et pacifique qui porte les nations européennes à la conquête de l’art avec un empressement analogue à celui que les demi-dieux de la fable grecque mirent à la recherche de la toison d’or, quels ont été jusqu’ici les efforts les plus heureux ? En cherchant à résoudre cette question, qu’on ne s’étonne pas de nous voir préoccupé surtout de l’école française, Pour l’instant, nous restons encore, il faut le constater, les maîtres du terrain ; mais notre avance n’est pas considérable, et il n’y a point lieu de chanter victoire. Notre situation serait meilleure, si notre enseignement d’art dans les établissemens d’instruction secondaire où passent tous les citoyens instruits n’était pauvre et insuffisant. Il serait malaisé qu’il le fût davantage : tout est à reprendre de ce côté. Les autres pays du reste ne l’emportent pas sur nous à cet égard. Presque partout c’est aux écoles supérieures et aux académies qu’incombe la tâche de former des artistes ; il ne leur arrive que des élèves à peine dégrossis. Il n’en est pas moins certain que, grâce à des efforts auxquels les gouvernemens se sont fait un honneur d’aider, les arts sont sortis de cet état de malaise qui avait pesé sur eux pendant plusieurs siècles à la suite du grand épanouissement de la renaissance. On peut dire que l’art de notre époque s’établit solidement chez des peuples qui n’en avaient pas la notion, et qu’il n’est pas indigne de ses devanciers. Encore s’agit-il de bien s’entendre à ce sujet. On parle souvent du progrès des sciences. Ce progrès en effet n’a rien de relatif, il est absolu ; nul n’y contredit. Quant à l’art, il n’en va pas de même. Qui oserait déclarer que nous sommes au-dessus des Grecs, que nous les dépassons en sculpture par exemple ? Si la statue du Discobole était à refaire, qui prétendrait la faire mieux ? Si notre culte demandait un temple pour la personnification de la raison humaine dans les temps passés, qui ne voudrait rebâtir le Parthénon ? Or l’esprit n’est pas resté stationnaire depuis le siècle de Périclès ; nous avons entrevu d’autres horizons, mis en lumière des vérités inconnues, subjugué des forces nouvelles, ressenti des besoins que les Grecs ne soupçonnaient pas ; il s’ensuit que l’art ne peut plus, ne doit plus être le même. Ce qu’on exige de lui, c’est de refléter l’homme et l’homme tout entier.

Le nôtre est en état de satisfaire à cette nécessité, et c’est pour cela qu’il se trouve, sinon en progrès, du moins à la hauteur de sa mission. Nos architectes, après avoir entrepris tant de restitutions des plus beaux monumens de l’Italie et de la Grèce, n’attendent qu’un mot pour donner des preuves de leur invention, de leur savoir et de leur goût. Ils ont été trop contraints jusqu’ici, gênés par les programmes que leur imposent les caprices des commissions ; nous