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comme en Allemagne on a donné longtemps beaucoup trop d’importance, à des projets d’architecture. Ils suivent pendant six ans au moins les divers cours qui sont professés dans l’école, et parmi lesquels on trouve une histoire de Russie fort arrangée et une histoire de l’église. Les encouragemens de diverses sortes sont prodigués. Celui qui obtient telle médaille est exempté de l’impôt et n’a plus rien à craindre de la conscription. A telle autre médaille est attribuée une récompense en argent. La grande médaille d’or enfin donne le droit de voyager pendant six ans aux frais de l’état ; le lauréat reçoit à peu près 3,500 francs par an.

Ici se présente le même inconvénient qu’ont signalé les académies de Belgique. Les artistes, si bien doués qu’ils soient, qui ne sont pas munis à leur départ d’un suffisant bagage de connaissances, ne retirent qu’un médiocre profit de leur excursion à l’étranger. Incapables d’apprécier avec exactitude ce que voient leurs yeux, incapables parfois de se faire entendre dans les pays qu’ils parcourent, ils reviennent sans avoir rien appris, à moitié déshabitués du travail, ayant perdu ce caractère national qu’on s’attache dans l’école à leur conserver. D’un autre côté, l’école des beaux-arts de Saint-Pétersbourg, qui donne en général l’enseignement supérieur à près de 500 élèves, n’a pour se recruter, comme celles de quelques pays, ni les écoles secondaires, ni de grandes et nombreuses industries, puisque la plupart des industries d’art, la tapisserie, la fabrication des bronzes, les papiers peints, la sculpture sur bois, ont à peine un commencement d’existence.

Le gouvernement a dû aviser pour que son école ne chôme pas et ait toujours assez d’élèves. Il a fallu assurer à ceux qui d’élèves sont en situation de passer maîtres, peintres, sculpteurs, architectes, un établissement aussi stable que dans n’importe quelle autre carrière, ne ménager ni les diplômes, ni les décorations, ni les honneurs. Les hautes classes sont obligées de « servir la couronne. » Un peintre servira la couronne, il aura des grades comme professeur ou comme académicien au même titre que ceux qui font partie de l’armée, de la marine, du clergé. Le tsar se procurera ainsi, avec la quantité d’artistes qu’il lui faut, la douce illusion dont aiment à se bercer les chefs des nations policées ; il se dira que le peuple est fortement doué du sens des choses de l’art, et que son sentiment naturel reçoit par l’éducation tous les développemens dont il est susceptible. Le seul malheur, c’est qu’on ne se procure par ces moyens qu’un art artificiel, surmené, mal en rapport avec les besoins vrais, les ressources, les mœurs du temps, impropre à pénétrer partout, indigne d’être aimé de tous, un art officiel et par conséquent menteur, objet d’un culte plus apparent que réel. Celui qui fait profession d’être artiste a recherché dans les procédés de