Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/424

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

a un peu fléchi, sans qu’on puisse dire en définitive de quel côté se tournera l’école allemande. Elle semble partagée entre ces deux courans, le retour à divers passés, le grec un peu rajeuni, le néogothique ou le commencement de la renaissance et les tendances franchement naturalistes auxquelles aboutit l’école de Dusseldorf. L’architecture se débat dans la même indécision ; la sculpture, qui semble avoir de l’avenir, ne manque ni de caractère ni de vérité. Les écoles et l’enseignement supérieur sont un peu partout. Berlin, Dusseldorf, Kœnigsberg, Nuremberg, Munich, Dresde, Vienne[1], ont des académies. Nous ne parlerons ici que de celle de Dusseldorf, qui appartient à la Prusse après avoir été à la Bavière. L’académie a succédé à celle qu’avait créée l’électeur Charles-Théodore. Elle fêtait tout récemment le centième anniversaire de sa réorganisation. Les élèves sont divisés en trois classes. Dans la première, on enseigne les élémens ; dans la seconde, où l’on ne reçoit que les jeunes gens qui veulent se consacrer entièrement à l’art, les élèves ont à leur disposition les modèles antiques et le modèle vivant, étudient les principes des draperies et le jeu des étoffes d’abord sur le mannequin, pratique dangereuse pour des écoliers, puis sur nature. Ils suivent des cours de peinture, de sculpture, d’architecture. Ils ne montent dans la première classe que quand ils se sont fait remarquer par une aptitude à la composition. On leur demande alors de continuer leurs travaux, de prendre part en certains cas à ceux des professeurs, de se rendre bien compte de leurs forces et de leurs qualités individuelles afin de choisir leur route, d’assister assidûment aux cours afin de compléter leurs connaissances esthétiques. Par compensation, on leur assure toutes les facilités d’étude, des prix et des encouragemens en argent. La science qu’on exige d’eux a été poussée assez loin, si loin même que nombre d’Allemands se livrent, sous prétexte de peinture, à des dissertations coloriées sur la science, la philosophie et la métaphysique. Ils peignent la cosmogonie, l’histoire quintessenciée des dieux et des hommes. Artistes consciencieux, éblouis de leurs propres idées, ils croient écrire leurs systèmes avec le pinceau, et ne réussissent qu’à confondre les genres. Les maîtres du reste avaient donné l’exemple. Cornélius accompagne ses vastes fresques de commentaires qu’il faudrait parfois commenter à leur tour. Quand Overbeck envoyait à l’académie de Francfort son Triomphe de la religion, il jugeait une brochure nécessaire pour le faire comprendre ; nous n’avons

  1. L’empire d’Autriche, où parut la plus ancienne école allemande, celle de Bohème, qui précéda celle du Rhin, et qui était déjà réunie en confrérie à l’époque de Giotto, est loin, malgré des efforts récens, de tenir le premier rang pour ses écoles supérieures d’art.