Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/423

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

travaux furent mis en lumière. Trois ans après, la colonie allemande faisait au palais Cafarelli une exposition publique dont on ne riait plus. On eût dit que l’art germanique venait de naître ; il n’avait fait que changer de forme et entrer dans une nouvelle phase. C’était une période de triomphe ; les Allemands s’étaient attaqués à la fresque et avaient réussi. On leur demandait de décorer des villas. On acceptait tout, légendes Scandinaves, mythologie, catholicisme ; les académies sollicitaient des professeurs, les élèves accouraient ; on venait de Dessau, de Dresde, de Vienne, de Cologne, de Munich, des ateliers de Paris. Des disciples de Gros et de David quittaient leurs maîtres pour recevoir la doctrine en crédit. Overbeck restait à Rome. Il gardait le foyer où s’était, disait-on, rallumé l’art germanique. Les autres s’en allaient régénérer les écoles de l’Allemagne, apôtres de la bonne nouvelle.

Ce fut un moment solennel où l’enseignement de l’art fut profondément modifié. L’ancien art allemand, si longtemps en quête de la réalité, interprétée, il est vrai, avec sa manière propre, ce vieil art d’Albert Dürer, se faisait idéaliste. L’enseignement par l’œuvre et par l’exemple, l’enseignement oral, la protection des princes, assuraient le triomphe de la jeune école qui était allée recevoir le baptême de l’Italie. Pierre Cornélius était appelé à Munich par le prince royal qui fut plus tard le roi Louis. Il y décorait le musée des statues ou glyptothèque ; il était demandé à Dusseldorf, afin d’y diriger l’académie, puis il revenait dans la capitale de la Bavière exécuter ce fameux Jugement dernier que les néophytes du temps comparèrent à la fresque de Michel-Ange. Schadow, que ses leçons surtout devaient rendre célèbre, arrivait professer à Berlin, dont son père administrait l’académie. Les élèves quittaient celle de Dusseldorf pour mettre à profit sa science, s’approprier son style froid et précis, et quand il repartait de Berlin pour prendre la haute main sur l’école de Dusseldorf, abandonnée par Cornélius, ils continuaient à lui faire un cortège de disciples et d’admirateurs empressés. Schnorr passait aussi, évangélisant de Rome à Munich, puis. à Dresde. Plus tard Kaulbach, l’élève de Cornélius, le plus puissant des peintres d’histoire de l’Allemagne, de beaucoup supérieur à son maître parce qu’il unit quelque réalité à un idéalisme sincère, Kaulbach, l’interprète de Klopstock, de Goethe, de Wieland, le metteur en œuvre des légendes germaines, celui qui représenta la double bataille des Huns et des Romains, dont les ombres se heurtent encore dans les airs quand leurs corps ont perdu la vie, apportait tour à tour son influence à Munich et à Berlin, reproduisant parfois sur les mêmes thèmes les mêmes compositions.

Aujourd’hui le mouvement imprimé par ces hommes convaincus