Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/421

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

saxon ? Les modèles existent cependant à Londres, et les Anglais qui veulent étudier l’art des Grecs n’ont pas besoin de se déplacer. C’est au musée britannique qu’on peut le mieux se pénétrer de l’art antique. Quant aux peintres, par malheur ils n’ont pas tout ce qu’ils pourraient désirer. Les galeries publiques sont fort incomplètes, et dans les galeries particulières, véritables propriétés féodales, il est difficile d’être autorisé à faire des études.

En ce qui concerne l’art, l’unité est faite en Allemagne depuis longtemps. Les artistes germaniques, à commencer par Goethe, le plus illustre de tous, qui a fourni tant de matériaux précieux aux arts plastiques en leur procurant des thèmes aimés et inépuisables, les écrivains, les sculpteurs, les peintres, du moment qu’ils ont fait preuve de quelque valeur, ont été adoptés à la fois par toute l’Allemagne. Il n’y a sur ce point ni confédération du nord, ni états du sud, ni empire d’Autriche. Il est même intéressant de voir combien les artistes nés et élevés dans telle division politique passent facilement, et comme s’ils ne voyaient pas de transition appréciable, dans les écoles d’une région voisine, allant de Munich à Dusseldorf, puis à Berlin, à Vienne ou à Dresde. Le lieu de résidence est indifférent, ils sont toujours sur la terre des légendes germaniques. La plupart d’ailleurs de ces artistes, de ceux du moins qui donnèrent à l’art allemand une si vive impulsion, sont allés auparavant au midi se réchauffer à un foyer commun. Nulle ville de leur patrie ne leur offrant des objets d’études en rapport avec leurs aspirations, ces futurs directeurs des académies allemandes sont venus demander à Rome ce qu’ils ne trouvaient pas chez eux ; Rome a vu une nouvelle invasion des Germains. La ville des papes devenait le pays d’élection de ces protestans, dont quelques-uns par amour de l’absolutisme, d’autres par amour de l’art seulement, embrassèrent de bonne foi le catholicisme. Nous ne prétendons pas railler ici ce mouvement, qui ne fut pas dépourvu de grandeur. Quand Overbeck, le vrai chef de la colonie allemande, se fixa en 1810 à Rome, toute l’Allemagne, humiliée par la guerre, éprouvait le plus violent désir de s’affirmer dans le domaine de la pensée. On y songeait à une politique nouvelle, à une religion nouvelle, où l’aspiration se mêlait au dogme, à un art nouveau, qui serait éternel. Plus d’esprit critique qui refroidît le souffle du génie. Il fallait retourner à la simplicité des petits enfans, retrouver la naïveté. Tel était le projet d’Overbeck. Certains Anglais de nos jours, les préraphaélites, ont cru, comme lui, que l’art pouvait et devait à certaines époques remonter vers sa source. Overbeck allait plus loin : l’art lui semblait n’être rien par lui-même, il n’a d’autre mérite que d’exalter la beauté morale et de faire une fête de la religion. Avec son patriotisme aveugle et ses vues un peu étroites, Overbeck eut une influence