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appartinrent plus que jamais aux nations étrangères, non à la population du royaume pontifical. Les ateliers romains n’eurent par eux-mêmes aucune réputation. L’académie de Saint-Luc se divise encore aujourd’hui en deux parties fort distinctes, la confrérie de Saint-Luc et l’académie proprement dite. Pour entrer dans la confrérie, il faut peu de chose, un certificat de bonnes mœurs et l’achat d’un cierge. Point d’ouvrier dont la profession se rattache à l’art par quelque côté qui ne puisse être accepté, et quel est le métier qui n’ait point de rapport avec l’art ? Quant à ceux qui sont choisis pour être membres de l’académie, on exige assez d’eux pour qu’il n’y ait aucun artiste qui ne tienne à honneur d’être admis.

Dans le même temps où s’établissait l’académie de Saint-Luc, il se fondait à Bologne, dans la maison des Carrache, une école qui exerça quelque action sur l’art, l’académie degli Incaminati. L’étude des vieux maîtres y marcha de front avec la recherche de la nature ; mais l’influence n’en fut pas durable.

Vers les premières années du XVIIIe siècle, école de France, académie de Saint-Luc, académie de Bologne, s’unissaient plus étroitement. Vleugels, directeur-adjoint de notre école, était nommé prince de l’académie de Saint-Luc. Nous étions au mieux avec toutes les autres. Le roi d’Espagne entretenait à ses frais dans notre palais Mancini deux pensionnaires traités sur le même pied que ceux de la France. Des artistes studieux venaient d’Italie, d’Angleterre, d’Allemagne, dessiner et recevoir des leçons dans cette école, où ils étaient libéralement accueillis, comme les Romains l’avaient été au moment de la fondation. On réalisait une partie du programme de Muziano : on donnait des fêtes, ce n’était plus un couvent ; on faisait venir les violons après le repas, on organisait des concerts, des mascarades ; on jouait la comédie, Molière même y était représenté. Le génie français avait trouvé là des missionnaires laïques, et les prélats italiens ne manquaient pas à ces réunions ; il semblait que cela devait toujours durer : le roi achetait le palais Mancini, dont on avait payé le loyer pendant douze ans. Les choses ont bien changé d’aspect depuis. Plus de danses ni de concerts, tout est rentré dans le silence.

Florence, centre actuel de tout ce qui se rapporte à l’art dans le nouveau royaume, a été une des dernières parmi les villes d’Italie à posséder une académie ; quand la confrérie de Santa-Maria-Novella fut dissoute, on se proposa de la relever sous le nom d’académie. Vasari approuva le projet et le fit accepter à Côme Ier, qui fut président. L’académie prospéra sous sa protection. Elle fut célèbre sous les Médicis. Au XVIIe siècle, elle en était réduite aux fadeurs prétentieuses de Carlo Dolce. Il n’est pas facile de descendre plus bas. Elle fut rétablie par le dernier grand-duc, et de riches collections