Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/407

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

on continua de donner aux artistes remarqués des cadeaux ou de l’argent. On cite un premier prix qui, en 1672, consista en un chandelier d’argent de soixante livres. Les architectes n’envoyaient pas d’élèves ; ils n’étaient pas encore associés en académie. En 1803, l’Académie de France occupait encore à Rome le palais de Nevers ou palais Mancini, sur le Corso. Le premier empire acheta la villa Médicis. M. Suvée, alors directeur, dépensa une partie de sa fortune à réparer les bâtimens avant de s’y installer. Le passé de cette villa est lui-même intéressant. Construite en 1540 par le cardinal Ricci de Montepulciano sur la colline où Lucullus, Salluste, Domitien, avaient leurs jardins, placée dans une situation magnifique, elle a été baptisée du nom d’un autre cardinal, Alexandre de Médicis, qui devint pape sous le nom de Léon XI. La façade donnait sur les jardins ; Alexandre y fit ajouter une façade nouvelle dont Michel-Ange passe pour avoir donné les dessins. Le style est celui de la bonne époque de la renaissance en Italie. Cette demeure fut enrichie de toute sorte de belles œuvres antiques qui y séjournèrent peu. Un grand-duc de Toscane, Côme III, emporta tout, tableaux, vases, statues, pour meubler sa galerie des Offices à Florence. Le palais avait servi de logement à Galilée quand il fut appelé devant le saint-office pour rendre compte de son livre sur Copernic. Par un échange de bons procédés, les Médicis offraient l’hospitalité à celui qui avait donné leur nom aux satellites de Jupiter.

La villa est probablement la plus belle propriété de la France à l’étranger. De la montagne des pins, Monte-Pincio, sur laquelle elle est bâtie, elle domine la ville entière. Les jardins occupent une vaste étendue, les murs ont 2 kilomètres de tour, les arbres sont taillés très bas, d’où il suit que les statues semblent prendre une plus grande hauteur ; des divisions régulières sont formées par des lauriers en palissades. Dans les longues allées, les pensionnaires de l’état, dont le nombre a été jusqu’ici de vingt à vingt-cinq, peuvent se promener au milieu de chefs-d’œuvre de marbre. Ils ont chacun une chambre et un atelier, la table commune qui les réunit à dîner et à souper, le modèle vivant pour l’étude collective, une direction bienveillante et qui ne se laisse point sentir, une bibliothèque spéciale, une galerie de moulages. Au dehors de l’école, les collections publiques et particulières leur sont libéralement ouvertes. L’école de Rome a été constamment soutenue par la faveur royale. Cette petite colonie d’un pays qui ne colonise guère semblait propre à soutenir l’éclat du nom français à l’étranger. L’envoi des pensionnaires n’a été interrompu que quelques années en deux siècles, une fois par le caprice d’un ministre, une seconde fois pendant la révolution à cause de la pénurie du trésor. La révolution cependant a beaucoup