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surtout eu autrefois en vue des édifices appartenant plus particulièrement au monde ancien, on choisit de préférence aujourd’hui ceux qui correspondent à quelque nécessité moderne, théâtres, palais, bains, hôpitaux, églises ; on s’est même une fois plié à des exigences d’un autre ordre en demandant un plan d’hôtel pour un banquier. Quant aux autres arts, on emprunte aux récits de l’histoire des Grecs, des Romains, des Hébreux, par exception à ceux de quelque nation contemporaine, la matière du sujet qu’on propose de traiter, l’Iliade et l’Odyssée, la Bible et l’Évangile, sont un répertoire où l’on puise sans se lasser ; certains thèmes prévus reviennent presque forcément à intervalles irréguliers comme les numéros des loteries. Il en est sur lesquels il est difficile de manifester des qualités saisissantes capables d’emporter d’assaut le suffrage des juges. Il y a quelques années, les élèves pour le concours de gravure en médailles avaient à représenter la France dotant l’Algérie de puits artésiens. Il faut supposer chez un artiste les facultés d’abstraction bien développées pour lui imposer cette patriotique, mais froide allégorie.

Les lauréats du grand concours sont de plein droit pensionnaires de l’école de Rome. Ils partent d’ordinaire à la même époque, quelquefois ensemble et emmenant avec eux le lauréat de composition musicale. Presque sans transition, ils passent d’une vie pleine d’incertitudes et souvent de privations à une existence exempte de soucis. Quatre ans à cet âge, c’est presque l’éternité ! L’avenir se présente avec tant d’espérances ! Puis ce voyage à plusieurs, camarades ou compagnons d’étude et de succès, dans la pleine floraison de la jeunesse, cette arrivée sous un climat plus doux, dans cette Italie de leurs songes, il y a là plus qu’il n’en faut pour mettre la joie au cœur des plus exigeans et des plus moroses. « Italie ! Italie ! les compagnons la saluent d’un cri joyeux ! » dit après Virgile M. Baltard dans son livre sur la villa Médicis. La lutte est terminée, plus d’un le croit, et il s’endort dans les délices de cette nouvelle Capoue. Il n’étudiera qu’à son gré, à ses heures, il n’a d’autre engagement que d’envoyer tous les ans des ouvrages qui témoignent de ce qu’il apprend. Est-il bien utile que ceux de nos artistes qui donnent le plus d’espérances aillent à Rome compléter leurs études ? pourquoi Rome a-t-elle été choisie plutôt que Florence ou quelque autre ville d’Italie ? En réponse à cette interrogation, on a souvent invoqué la gloire de l’école romaine. Quoi qu’on ait pu avancer cependant, il n’y a jamais eu d’école romaine proprement dite. Ce qui est vrai, c’est que les souverains pontifes furent assez puissans au temps de la renaissance pour avoir auprès d’eux des artistes capables de rehausser par des œuvres magnifiques l’éclat de leur trône. Des maîtres florentins, deux surtout, qui