Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/403

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui paraît au premier abord un peu singulière. Le candidat au prix de Rome ne doit pas être marié. Cela ne constitue pas, à vrai dire, un encouragement aux « justes noces ; » mais, à regarder de plus près et à considérer les intentions, la condition n’est point déraisonnable. Les rédacteurs du règlement ont songé à la somme attribuée à l’élève ; il serait impossible au pensionnaire de faire vivre une famille et d’étudier en même temps à loisir avec un budget aussi restreint.

Les prix ne sont pas toujours décernés ; on les retarde d’un an, si les ouvrages exécutés ont été jugés trop faibles pour justifier la libéralité de l’état. Les lauréats, exemptés du service militaire, sont pensionnés pendant quatre ans depuis le décret de novembre 1863. Ils l’étaient autrefois durant cinq années. Les élèves ne sont plus tenus de résider à la villa Médicis. Deux années seulement de séjour à Rome sont obligatoires aujourd’hui. Les deux autres, ils les passent, selon leurs inclinations et leurs goûts, ordinairement en voyages qui peuvent servir à leur instruction. Ils sont à ce sujet aussi peu gênés que possible par les formalités à remplir : il leur suffit de prévenir à l’avance de leurs projets le directeur de l’école.

Les concours s’ouvrent chaque année au printemps pour la peinture, la sculpture, l’architecture, et tous les trois ans seulement pour d’autres branches de l’étude. On a supprimé les concours de paysage historique. Il faut subir d’abord une épreuve préalable, qui consiste à tracer une esquisse. Une dizaine de candidats seulement en sortent vainqueurs, et montent en loges. Qu’est-ce que la loge ? l’atelier, si vous aimez mieux, la cellule où ils sont appelés à exécuter leur œuvre. Pour commencer, le régime est sévère ; ils sont à peu près prisonniers. Dans un délai fixé, ils doivent fournir l’esquisse de leur composition. Ils ne peuvent sortir de l’école. De l’extérieur, ils ne reçoivent ni conseils ni renseignemens. L’esquisse achevée, ils ne devront en changer aucun des caractères essentiels sous peine d’être mis hors de concours. Pour l’exécution du tableau, du modèle en terre, de la gravure, on leur accorde un délai de deux ou trois mois. Période de rude labeur, de doute, d’irrésolution, d’inquiétude, ces quelques mois laissent à ceux qui les ont connus un souvenir persistant. Tel travaillera courageusement et plein d’espoir pendant un mois, et un beau matin détruira d’un seul coup son ouvrage. Tel peintre restera oisif pendant le même mois, ira passer ses journées à la campagne, se promener dans les bois, rêver au soleil, et n’arrivera pas moins à l’heure dite, ou même une semaine auparavant, démentant ainsi la fable du lièvre et de la tortue. C’est affaire d’impression, de tempérament. Les plus habiles seraient impuissans à rien prédire.

Dès le premier jour, il y a grand mouvement dans l’école. Avec