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mal. Dans ses salles de travail et ses amphithéâtres, il n’y avait point contact journalier entre le professeur et le disciple, qui était tenu généralement à distance. La direction des études était en outre accusée de laisser percer des tendances trop exclusives. L’administration supérieure accueillit cette rumeur avec bienveillance, et s’en fit elle-même l’écho. L’éducation d’art, disait-on, sous la pression de professeurs membres de l’Institut, était partout académique, — on entendait par là surannée. D’un autre côté, le séjour des ateliers libres coûtait cher ; plus d’un jeune homme bien doué, mais pauvre, avait dû cesser de les fréquenter. Si quelques élèves obtenaient, par une faveur spéciale de leurs camarades, de ne pas contribuer à l’entretien du local, au paiement des modèles et du professeur, si par l’indulgence de ce dernier ils avaient une sorte de sauf-conduit qui leur assurait momentanément la gratuité, cela ne laissait pas de léser quelques intérêts, d’être surtout précaire et incertain. Le bienfait même avait quelque chose de pénible et de blessant pour ceux qui en jouissaient. Il n’en serait pas de même, ajoutait-on, si les frais de l’enseignement étaient supportés par le budget. Reste à savoir si c’est la fonction de l’état de garantir à quelques-uns le bénéfice d’un enseignement supérieur quelconque. Provisoirement on a tranché cette question par l’affirmative. Nul n’était reçu à l’école, aux termes de l’organisation antérieure, qu’après avoir subi un examen. Il fallait pour y entrer faire dans un délai fixé une académie d’après le modèle vivant. Quelques-uns de ceux qui devaient honorer l’art contemporain ont échoué à cette épreuve. Une légende qui court les ateliers, et qui paraît s’appuyer sur des faits réels, assume que Delacroix et Flandrin n’y réussirent pas du premier coup. Ces exclusions n’auraient plus lieu aujourd’hui ; les conditions d’admission sont profondément modifiées. Pourvu qu’il se trouve dans les limites d’âge, de quinze à vingt-cinq ans, tout jeune homme a le droit de se faire inscrire à l’école ; à partir de cette inscription, il prend date comme aspirant, si la place manque dans les ateliers. Afin de mériter le titre d’élève de l’école, il faut pourtant avoir obtenu quelques succès dans les examens ou les concours. Trois ateliers de peinture sont ouverts en permanence, trois de sculpture, trois d’architecture. Deux ateliers sont consacrés tant à la gravure ordinaire qu’à celle des médailles et des pierres fines. On met à la disposition de chaque atelier des modèles et une petite bibliothèque. La direction ne manque pas aux jeunes artistes, et la direction dans le sens qu’ils préfèrent, puisqu’ils ont pu s’adresser à un professeur de leur choix. Au besoin, ils gardent leur initiative personnelle et ne demandent guère au maître qu’une sorte de patronage nominal. Des collections importantes sont réunies dans l’école, qui peut sous ce rapport être considérée comme une succursale du