Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/397

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sortit un peuple de statues, put nourrir 400, 000 esclaves et 50, 000 citoyens. Ses œuvres étaient demandées non-seulement dans ses colonies, mais partout où quelque besoin de luxe et de recherche dans la vie se faisait sentir. Voyons par quelles institutions ceux qui aiment à se nommer les Athéniens modernes tâchent d’imiter ces lointains devanciers.


I.

Il existe en France un certain nombre d’écoles supérieures dont le passé est des plus honorables. Celles de Dijon et de Lyon conservent une réputation déjà ancienne. Dijon revendique plusieurs de nos gloires. Son école gratuite, fondée par un artiste savant, Devosge père, développa les dispositions de Pierre-Paul Prudhon, ce treizième enfant d’un maître maçon de Cluny. Prudhon ne la quitta que pour aller étudier à Rome, lui qui fut toujours si peu italien, après avoir remporté le prix de peinture établi par les états de Bourgogne. Elle a également formé le statuaire François Rude, qui devait illustrer sa province et son pays en sculptant ce bas-relief animé d’un souffle héroïque où les pierres semblent se lever comme des soldats pour marcher à la voix de la femme ailée qui les appelle. L’école de Lyon est fière d’Hippolyte Flandrin, le peintre austère qui redonna chez nous un instant d’éclat à la peinture religieuse. Marseille, Bordeaux, Rouen, Besançon, Toulouse, Lille, Montpellier, ont aussi des écoles d’art qui, dans leur sphère modeste, rendent de grands services. À une époque où toute chaleur semble s’éteindre aux extrémités, elles gardent en divers points de la France des foyers qui suffisent à réchauffer et à développer tous les germes de talent. C’est à Paris toutefois, à Paris seulement, que les artistes trouvent réunis les moyens les plus précieux d’enseignement supérieur. C’est à l’École des Beaux-Arts que se complètent les études de ceux qui ont résolu de pousser aussi loin que possible leur éducation.

L’École des Beaux-Arts, bien qu’administrée par l’état, est à peu de chose près une école libre. On y entre sans examen, on y passe le temps qu’on veut. Le cercle des études n’est pas forcément parcouru en un nombre fixe d’années, comme cela se pratique dans la plupart des établissemens publics d’instruction. Il suffit, pour faire partie d’un des ateliers qu’elle renferme, d’être agréé par le professeur qui le dirige. Celui-ci est seul juge des études antérieures et des aptitudes du candidat. Il peut également faire interdire son atelier aux élèves dont il aurait à se plaindre ou qu’il trouverait impropres à tirer parti de son enseignement ; mais rien n’empêche les jeunes gens ainsi exclus de se faire inscrire à