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nous étions fait du roi Louis-Philippe, lorsqu’il monta sur le trône, l’idée d’un roi méditant, calculant et presque conspirant, l’idée d’un Guillaume d’Orange. C’était tout le contraire. Le contraste de sa renommée et de son caractère a fait qu’il n’a profité ni de ses qualités ni de ses défauts. Le témoignage que lui rendent peu à peu devant l’histoire ses ministres et ses conseillers, tous ceux qui l’ont approché, corrigera l’erreur des contemporains. Il avait beaucoup de l’expansion d’Henri IV, moins la gasconnade, c’est-à-dire la petite dose de calcul et d’art dont a besoin cette sorte de défaut qu’il faut montrer au monde pour plaire, et qu’il faut corriger pour réussir.

« J’avais à cœur, dit M. Guizot, dont je reprends la préface, de marquer nettement la profonde différence qui existe entre l’idée inhérente aux mots de pouvoir personnel sous le premier empire et la restauration et l’idée contenue dans ces mêmes mots sous la monarchie de 1830. Aux deux premières époques, le pouvoir absolu était déposé en principe et en germe dans le pouvoir personnel réservé. En 1830, toute idée de pouvoir extra-légal et absolu a été extirpée de nos institutions[1], et les mots de pouvoir personnel n’ont plus impliqué qu’une question de mesure et de répartition d’influence dans les rapports des grands pouvoirs de l’état. Sur ce dernier point, je viens de rappeler ce qui était, à mon sens, sous le gouvernement du roi Louis-Philippe, la vérité et le droit. Aujourd’hui, sous le second empire, dans l’état actuel des faits et des esprits, les deux questions ainsi soulevées de 1800 à 1848 par les mots de pouvoir personnel sont mêlées et posées ensemble ; d’une part, au fond, on reconnaît la nécessité de sortir d’un régime analogue à la dictature après une crise révolutionnaire et de rentrer dans le régime de la liberté active et de l’influence efficace du pays dans son gouvernement ; d’autre part, on est appelé aussi à déterminer quelles doivent être l’attitude et l’influence relatives des grands pouvoirs de l’état dans cette situation nouvelle, c’est-à-dire sous le régime, de la liberté active et efficace. Grand et difficile problème dont la solution exige également l’absolue expulsion du pouvoir personnel et la juste répartition des droits et de l’action constitutionnelle entre les grands pouvoirs publics ! »

En faisant l’importante citation qu’on vient de lire, je ne me dissimule pas que j’en adopte, par cela même, la conclusion. Non, le

  1. Séance du 3 août 1830. Discours de M. le duc d’Orléans, lieutenant-général du royaume. — « Je crois devoir appeler dès aujourd’hui votre attention sur l’organisation des gardes nationales, sur l’application, du jury aux délits de la presse, sur la forme des administrations départementales et municipales, et avant tout sur cet article 14 de la charte qu’on a si odieusement interprété. (Une foule de voix : Bravo ! très bien !) » — Journal des Débats, 4 août 1830.