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choisir entre l’aplatissement sous la verge du coup d’état ou le maintien armé de ses droits et de son honneur, elle a maintenu par la force ce qu’on voulait lui enlever par la force ; elle a fait une révolution défensive.

Cette révolution défensive n’a pris que trois jours pour arriver à son dénoûment, mais ce dénoûment avait été préparé par trois ans de lutte. L’histoire de cette lutte contient des réconciliations manquées, des transactions essayées et échouant, des catastrophes prévues et s’accomplissant.

Les occasions de réconciliation manquées, je les note en courant dans le neuvième volume de l’Histoire parlementaire de M. Duvergier de Hauranne. Nous devons remercier l’auteur d’avoir publié ce neuvième volume, qui contient l’histoire de 1826, 1827, 1828, et qui devient la lecture la plus instructive et la plus opportune qu’on puisse faire cette année. Je prends la liberté de la conseiller, à cause des à-propos qu’elle présente, à toutes les personnes qui prennent part au gouvernement du pays, à l’empereur, à l’impératrice, aux ministres, aux chambellans, aux sénateurs, que j’allais oublier, à la majorité, à l’opposition. L’auteur, après avoir raconté les succès de l’opposition dans les élections de 1827, fait les réflexions suivantes qu’il m’est impossible de ne pas citer. « Le parti libéral… s’apercevait que dans un pays où la liberté n’est pas tout à fait éteinte, ri’ vaut mieux combattre au grand jour, par les armes légales, que de conspirer sourdement contre la loi. Certes il y avait encore dans son sein plus d’une dissidence ; mais la grande majorité, ralliée autour de ses chefs parlementaires, était parfaitement sincère dans ses protestations en faveur de la monarchie constitutionnelle et contre tout nouveau bouleversement… L’année 1827 pouvait ainsi rouvrir l’ère d’une réconciliation durable et confirmer l’alliance de la liberté et de la légitimité si souvent proclamée… Pour la seconde fois depuis son avènement, Charles X pouvait démentir toutes les comparaisons fâcheuses entre la restauration des Stuarts et celle des Bourbons. Il pouvait, en se conformant promptement et complètement au vœu manifeste du pays, rapprocher du trône ceux qui s’en tenaient éloignés et désarmer les ennemis les plus irréconciliables de sa dynastie. »

Qu’est-ce donc qui a empêché le roi Charles X « d’ouvrir en 1827 cette ère de réconciliation durable ? » L’infatuation du gouvernement personnel, inspirée, il est vrai, au roi Charles X par des sentimens tout autres que ceux qui inspiraient Napoléon Ier ; mais, pour n’avoir pas la même cause, le mal n’était pas différent, et les effets devaient être semblables. Napoléon croyait au droit divin de son génie et à la prédestination de son empire. Charles X croyait aux droits de sa race. La royauté était pour lui un dépôt sacré confié par