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intitulé l’Aristarque. L’auteur de l’article, M. Henri de Bonald, disait qu’il fallait enfin que « le monarque sût vouloir tout ce qui pouvait sauver la France, » et il ajoutait : « N’oublions pas que cet homme qui gouverna dix ans la France en l’absence des Bourbons a montré à la dynastie légitime, par le règne paisible de la force séparée du droit, quel pourrait être le règne du droit uni à la force. » Phrase dangereuse, s’il en fut jamais, qui tendait à dénaturer le caractère de la restauration, à en faire une dictature au lieu d’une monarchie. Quand le droit en effet, le droit qui est une croyance, consent à s’allier avec la force, il déroge, il perd son prestige, et, comme il a fait son va-tout avec la force, si celle-ci est battue, il périt avec elle. Ce fut là l’histoire du coup d’état de Charles X, ce coup d’état que demandait la phrase périlleuse de l’Aristarque. Perte pour la France de l’avenir libéral et monarchique attaché à la restauration, perte pour la dynastie du plus beau trône du monde, perte pour la morale politique de ce que le droit héréditaire conservait encore de prestige mystérieux, voilà ce que contenait de maux cette substitution de la dictature à la monarchie, du gouvernement personnel au gouvernement parlementaire.

J’ai voulu rappeler la désastreuse erreur de Charles X, afin qu’il soit bien entendu que les timides de nos jours, ceux qui s’effraient des revenans de 1848, auront beau se serrer autour du pouvoir et lui demander aide et protection ; ils ne retrouveront plus le pouvoir que pouvaient invoquer les timides de 1827 et de 1828, le pouvoir monarchique et point dictatorial, digne de protéger leur innocence politique, leurs vertus privées et leurs intérêts de propriétaires. Qu’ils sachent bien qu’il n’y a plus que le gouvernement réformé, le gouvernement délibératif à tous les degrés qui puisse les sauver de la révolution.

Le gouvernement actuel, mieux inspiré que ses devanciers, voudra-t-il adopter ce que j’appellerais volontiers le procédé de l’inoculation et se préserver de la révolution par la réforme ? L’avenir décidera. Quoi qu’il en soit, sachons bien que nous allons voir apparaître je ne sais combien de curieuses ressemblances entre 1869 et 1827-1828. Elles sont même si visibles que je m’abstiens de les indiquer, aimant mieux retracer rapidement les traits caractéristiques de la réforme que sembla entreprendre alors la restauration et qu’elle abandonna si vite pour son malheur et pour le nôtre en se jetant dans les aventures du coup d’état. Il faut voir, pour l’instruction de l’année présente et des années futures, comment de 1827 à 1830, c’est-à-dire des élections au coup d’état, la France a fait tous ses efforts pour obtenir la réforme et pour éviter la révolution, et comment elle ne s’est décidée à accepter la guerre que lorsque le gouvernement la lui a déclarée. Voyant qu’il fallait