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là qu’on peut observer la perruque, avancée sur le front de manière à le rétrécir et à lui donner la proportion du type grec ; elle encadre les oreilles et applique sur les joues une mèche qui devient un point d’adhérence et comme une garantie de solidité. L’ensemble de cette coiffure rappelle un casque léger et explique le nom latin (galericulus). Quoique plus étroit, le front est joli et non sans finesse. Les yeux, larges et à fleur de tête, ont quelque chose d’aimable, d’effacé, d’affectueux. Le nez est droit, mais l’extrémité en est lourde. La bouche ne manque pas d’abandon : elle est caractérisée par la proéminence de la lèvre supérieure, dont la pointe s’avance comme la lèvre d’une sangsue. Les joues sont pleines, le menton bien modelé, le cou vraiment beau. Le type général rappelle les figures étrusques ou plutôt certains marbres archaïques de l’école d’Égine, parce qu’une grâce un peu gauche y tempère des contours arrêtés. L’ensemble trahit la jeunesse, l’habitude de la volupté, l’art de séduire ; rien d’héroïque, mais plutôt je ne sais quelle mollesse lymphatique et une stupeur souriante, fruit de la débauche.

Cette douce et impudente créature, en achetant l’empire aux prétoriens, ne les avait point achetés eux-mêmes, elle leur appartenait au contraire, elle devenait leur proie, leur propriété, leur chose ; l’événement l’a bien prouvé. Les prétoriens sont avertis, ils se garderont des fautes qu’ils ont commises sous les règnes précédens ; ils ont laissé tuer Galigula, livré Claude, à peine proclamé par eux, aux mains de ses affranchis, regardé Néron tomber du trône et se briser comme un vase de verre. Cette fois l’expérience leur profitera : il suffit que Galba leur ait fait expier leur sottise. Othon est dans le camp, ils le possèdent, ils l’entourent, ils en font leur représentant, ils le parent comme les prêtres leur idole ; ils le tiennent cloué sur le siège impérial pendant toute cette première journée, dont il ne lui sera plus permis de perdre la mémoire. Une muraille de fer et d’acier se dresse autour de lui ; les clameurs qu’il entend sont à la fois joyeuses et farouches, comme les transports d’un amant jaloux ; personne ne peut approcher : arrière le préfet et les tribuns militaires, qui sont des traîtres ! arrière les soldats de la flotte et les nouveau-venus, qui sont suspects ! arrière les sénateurs et les magistrats, qui ne sont bons qu’à perdre ceux qu’ils soutiennent ! Othon, pendant ces longues heures, n’a que d’humbles sourires, des bassesses d’esclave ; il tend les mains à ceux qui sont près, envoie des baisers à ceux qui sont loin ; il répète cent fois les mêmes promesses ; il jure que l’empire et tous ses trésors appartiennent aux braves prétoriens, et qu’il ne gardera pour lui que ce qu’ils voudront bien lui laisser. Cent fois de bruyans applaudissement accueillent ce serment ; en échange,