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M. Wurtz en 1865 le grand prix biennal qui est décerné alternativement par chacune des cinq classes de l’Institut. M. Wurtz d’ailleurs, par son enseignement oral, par ses écrits, a puissamment vulgarisé la doctrine de l’atomicité ; il l’a répandue dans les laboratoires ; il a été et il est encore l’instigateur de toute cette génération de jeunes chimistes dont plusieurs se sont déjà fait un nom honorable ; il est enfin comme le grand-maître de la doctrine nouvelle.

La théorie de l’atomicité, avons-nous dit, procède directement de celle des types, et, après les indications qui viennent d’être données, nous pourrions tout de suite y entrer de plain-pied. Nous demanderons cependant à faire ici une halte et même à jeter un coup d’œil en arrière pour rechercher les origines propres de la nouvelle doctrine. Cet examen rétrospectif est commandé par la nature des choses ; nous en avons besoin pour mettre en évidence l’une des mémorables découvertes auxquelles nous faisions allusion tout à l’heure, et qui ne peut manquer d’occuper sa place dans une revue, si sommaire qu’elle soit, des progrès de la chimie.

Il est un fait qui était connu des chimistes dès le premier quart de ce siècle, mais dont ils n’avaient pas saisi toute la portée. Les différentes bases n’exigent pas pour se saturer, c’est-à-dire pour former des sels neutres, le même nombre d’équivalens d’acide. Ainsi la chaux ne demande qu’un équivalent d’acide sulfurique, tandis qu’il en faut trois à l’alumine. On ne peut donc pas regarder comme équivalentes les quantités de chaux et d’alumine qui entrent dans les deux sulfates. C’est cependant ce que faisaient les chimistes au commencement du siècle et ce qu’ils ont fait presque jusqu’à ces derniers temps. L’esprit pénétrant de Gay-Lussac avait bien vu là une difficulté qui échappait à ses contemporains ; il l’avait signalée et il avait proposé pour la résoudre des vues qui n’ont point été admises. Quoi qu’il en soit, on se trouvait en présence de deux classes d’oxydes, dont les uns se saturent avec une molécule d’acide, tandis que les autres en veulent trois ; les premiers sont monacidés, si l’on peut s’exprimer ainsi, les autres sont triacides. D’un autre côté, on pouvait signaler dans le rôle des acides des faits analogues. M. Graham avait montré depuis longtemps que l’acide phosphorique est capable de s’unir à trois parties de chaux ; il ne se comporte donc pas comme l’acide azotique, qui n’en prend qu’une partie ; entre les deux vient se placer l’acide sulfurique, qui se sature avec deux parties. C’est ce fait important que l’on exprime en disant qu’il y a des acides polybasiques. Voilà donc deux notions, l’une relative aux bases, l’autre relative aux acides, qui forment comme le pendant l’une de l’autre ; mais ces deux idées restèrent longtemps isolées et comme perdues dans la science sans