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de Lavoisier ; dès l’année 1790, celles-ci avaient acquis une autorité à peu près incontestée ; quatre ans plus tard, au moment où il tombait sous la hache de la terreur, Lavoisier pouvait se dire que son œuvre était faite et que la chimie moderne était fondée.

Arrivons tout de suite à un fait considérable qui fut apporté dans la science pendant les premières années de ce siècle par un professeur de Manchester, le chimiste Dalton. C’était un esprit indépendant, porté à chercher sa voie loin des sentiers battus, disposé aux hypothèses hardies. Dalton montra que les corps se combinent non-seulement en proportions définies, mais encore en proportions multiples, c’est-à-dire que, lorsqu’une substance est susceptible de former avec une autre plusieurs composés, les quantités pondérables qui entrent dans ces combinaisons différentes ont entre elles des rapports tout à fait simples, comme du simple au double ou au triple. Ce n’est pas que le germe d’une pareille découverte ne fût contenu dans des travaux antérieurs. Au temps même des premières recherches de Lavoisier un savant allemand, Wenzel, avait établi que les quantités relatives des bases qui saturent un acide sont aussi celles qui saturent un acide différent. Ces quantités s’équivalent donc dans les combinaisons. Il y avait là les élémens d’une importante théorie ; mais les travaux de Wenzel furent comme effacés par l’éclat des succès de Lavoisier, ils passèrent inaperçus au milieu des controverses plus graves qui agitaient les chimistes, et ce ne fut que longtemps après qu’ils furent remis en lumière. La loi de Dalton avait d’ailleurs une bien autre généralité que les faits signalés par Wenzel. Celui-ci ne s’était occupé que des bases et des acides ; Dalton appliquait la loi à tous les corps, aux corps simples, comme aux corps composés. Wenzel parlait seulement de rapports définis ; Dalton montrait que ces rapports s’expriment par des nombres tout à fait simples. Ce fait saisissant demandait une explication, et Dalton la donna. Il supposa que les différens corps sont formés de petites particules indivisibles ou atomes. Déjà on s’était habitué, d’après les vues de Lavoisier, à considérer un certain nombre de substances comme marquées d’une individualité native, comme absolument irréductibles ; c’étaient là de véritables élémens au-delà desquels il n’y avait pas lieu de remonter. La théorie des atomes vint confirmer cette idée et lui donner un corps. Pour chaque substance élémentaire, l’atome, étant indivisible, possède un poids invariable. Les molécules se forment par la juxtaposition des atomes ; si elles contiennent plus d’un atome d’une même substance, elles en renferment deux, trois ou du moins un très petit nombre ; telle est la raison évidente de la loi des rapports simples. Les molécules d’ailleurs se combinent tout