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Une régence consolidera les conquêtes de notre révolution, préparera la transition en rétablissant un état régulier, et alors nous trouverons le prince que nous voudrons, il est même déjà tout trouvé. — Et de fait on a créé une régence. L’heureux Espagnol chargé de ménager cette « transition » est le général Serrano, qui a été décoré du titre d’altesse, et qui n’en a pas pour cela plus d’autorité.

Au fond d’ailleurs, le gouvernement reste à peu près ce qu’il était, avec ses élémens essentiels, car, si le général Serrano est régent, le général Prim devient le président du ministère reconstitué, l’amiral Topete est toujours ministre de la marine ; c’est le triumvirat primitif de la révolution qui s’est adjoint quelques membres de l’union libérale, notamment un homme distingué, M. Silvela, qui est aujourd’hui aux affaires étrangères. Il fallait bien naturellement mettre des royalistes dans le cabinet d’une monarchie, et au surplus le ministre de l’intérieur, M. Sagasta, a signifié aux républicains que désormais les acclamations à la république étaient séditieuses. La royauté existe donc en principe au-delà des Pyrénées, elle existe provisoirement sous la figure d’un régent ; reste toujours à savoir quel sera le roi. S’il est déjà tout trouvé, comme le disait le général Prim, il faut convenir que le secret est bien gardé. On peut tout au plus tirer quelques inductions de certains faits récens. À ce point de vue, il y a un incident qui n’est point évidemment sans importance. Le duc de Montpensier vient de rentrer en Espagne, il a porté son serment de capitaine-général à la constitution, et pour le moment il est en Andalousie, à San-Lucar de Barrameda. On a essayé de faire du bruit d’abord, le général Prim a couvert le duc de son autorité, et tout a été dit. Il ne faut pas oublier d’ailleurs que le duc de Montpensier a dans le gouvernement même des partisans décidés, énergiques, notamment l’amiral Topete, qui, pressé par une interpellation, n’a pas hésité à déclarer que c’était, selon lui, le meilleur choix qu’on pût faire. Il semblerait donc y avoir aujourd’hui des présomptions pour cette candidature, à moins qu’on ne revienne à la royauté du prince des Asturies, qui paraît avoir décidément trouvé le patronage puissant de l’empereur Napoléon III. Du reste la question n’est pas près d’être résolue, puisque les cortès, fatiguées de tant de travail, vont s’ajourner jusqu’au mois d’octobre. À cette époque seulement, on verra ce qu’on peut faire de cette couronne qui n’est point en vérité facile à placer. Malheureusement, que le roi soit nommé en octobre ou en juillet, l’Espagne a besoin de bien d’autres choses, et le souverain nouveau qui viendra s’asseoir sur le trône aura devant lui une œuvre laborieuse, sans parler de la guerre civile, qui l’attend peut-être à son premier jour de royauté.

Il y a de singulières alternatives dans la vie de certains peuples. On dirait qu’ils ne retrouvent la sagesse et un véritable esprit de conduite que sous le coup d’un danger pressant ; aussitôt que le péril est passé, ils reviennent à leurs divisions et s’occupent à gâter leurs affaires. Ils ont