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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 juin 1869.

La France ne s’est pas trouvée souvent dans une situation aussi étrange et aussi perplexe que celle où l’ont placée les dernières élections. Elle marche à tâtons à travers une obscurité qui pèse à son esprit amoureux de la clarté du jour et de la décision. À les prendre en elles-mêmes et au point de vue le plus strict, que devaient être ces élections dont le retentissement dure encore ? Elles n’étaient qu’un acte naturel et prévu de notre vie publique, le renouvellement légal d’une assemblée délibérante dont le rôle constitutionnel est tracé d’avance. Qu’ont-elles été réellement ? Elles sont devenues une mêlée ardente, un réveil, la manifestation d’une vitalité politique qu’on pressentait assurément, mais dont on ne pouvait évaluer l’énergie. Observées dans leur ensemble, sans passion et sans parti-pris, indépendamment surtout d’un résultat matériel facile à prévoir, elles ont été une révélation véritable sur laquelle comptaient à peine ceux qui avaient le plus d’illusions, et d’un seul coup la France s’est trouvée portée à ce point dangereux où l’on s’attend à de l’imprévu, où l’opinion sent le besoin de voir clair et de chercher la lumière dans les moindres actions, dans les moindres paroles, où l’on s’irrite enfin du silence, de l’indécision, des explications insuffisantes.

C’est ce qui explique le mieux peut-être l’impatience avec laquelle on a suivi cette sorte d’intermède de discours et de lettres qui a rempli la scène pendant quelques jours en attendant la grande pièce. Ce n’est pas que ces lettres eussent moins démérite que bien d’autres et qu’elles ne fussent dictées par le sentiment le plus simple, le plus naturel : elles ne suffisaient plus, voilà tout. Elles ne disaient pas le mot d’une situation sur laquelle on tenait à être renseigné, et la surprise qu’elles pouvaient réveiller ne compensait plus ce qu’elles avaient d’insuffisant. Le procédé était désormais en disproportion avec les choses. Lettre à M. de Mackau,