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Les richesses, agricoles du territoire fédéral se présentent dans des conditions également favorables. La récolte du mais dans le bassin du Mississipi a été en 1868 de 329 millions d’hectolitres, soit une augmentation de 50 millions sur l’année précédente. Pour 1869, on espère qu’elle atteindra facilement 360 millions d’hectolitres. Dans le sud, le travail libre s’organise de plus en plus. La récolte du coton semble devoir dépasser la dernière, qui a été de 2,380,000 balles ; elle atteindra probablement celles des années antérieures à la guerre. La vente de la récolte de 1868, estimée à environ 1 milliard 200 millions, a contribué à rétablir la richesse du sud. Les sucreries même, dont le travail est très pénible, ont donné l’année dernière un produit de 250 à 300,000 barriques.

La marche que le cabinet de Washington est appelé à suivre est d’ailleurs nettement tracée par le résultat des dernières élections ; la crise ministérielle que viennent de traverser les États-Unis n’entraîne point une modification des principes sur lesquels repose le gouvernement du pays, et au point de vue financier le nouveau secrétaire de la trésorerie s’écartera sans doute fort peu de la route suivie par son prédécesseur. Pour remplacer M. Mac-Culloch, qui, en adoptant les vues politiques de M. Johnson, s’est aliéné la confiance du congrès, le président Grant avait d’abord appelé au département de la trésorerie M. Stewart, riche négociant de New-York. M. Stewart ayant dû se retirer en présence d’une loi votée en 1789, et qui interdit aux fonctionnaires du département financier de se livrer à des opérations commerciales, le président a confié ce portefeuille à M. Boutwell, membre de la chambre des représentans. Le nouveau secrétaire de la trésorerie appartient au Massachussetts, berceau de la liberté religieuse et politique des États-Unis et l’un des rares états qui, au lieu de se prévaloir de la loi établissant le cours forcé du papier, ont refusé jusqu’ici de solder l’intérêt de leur dette particulière autrement qu’en espèces métalliques.

Les titres de la dette, qui, à l’époque des élections présidentielles, étaient cotés à 70 fr., se sont rapidement élevés à 83 fr. Depuis que le coupon de mai en a été détaché, ils ont naturellement fléchi ; mais le prix en est aujourd’hui de 80 fr., ce qui équivaut à une amélioration de 10 pour 100 depuis le mois de novembre. Quand le congrès aura pris une décision relativement au papier-monnaie, il y a tout lieu de croire qu’une amélioration analogue se produira dans la valeur commerciale des greenbacks, et que la prime sur l’or s’abaissera graduellement jusqu’au pair. L’énergie avec laquelle, ce peuple, adonné jusque-là aux arts de la paix, s’est levé pour défendre son intégrité et sa constitution menacées, l’étendue des sacrifices qu’il a subis pour affirmer et maintenir son unité, sont un gage certain qu’il ne faiblira devant aucune mesure à prendre pour consolider son crédit et effacer au plus vite toutes les traces d’une guerre de géans.


GEORGE ODILON-BARROT.